Faut-il être féministe ?

 

  • Accroche : Le féminisme est une notion qui divise. En 2017, la « libération de la parole des femmes » dans le cadre du mouvement #MeToo a renforcé la prise de conscience de la persistance des discriminations et des violences faites aux femmes dans nos sociétés. Mais ce mouvement a aussi donné l’occasion de remarquer les excès des branches radicales du féminisme contemporain, qui ont d’ailleurs été mis en lumière dans la Tribune sur la liberté d’importuner, cosignée en janvier 2018 par une centaine de femmes et publiée dans Le Monde.

 

  • Définitions :
    • Le terme de féminisme est un néologisme qui apparaît sous la plume d’Alexandre Dumas (fils) en 1872:
      • Dumas emploie la formule dans un sens péjoratif, désignant des hommes qu’il juge féminisés ;
      • Le terme a cependant été réinvesti par les féministes elles-mêmes ;
      • Il désigne traditionnellement une doctrine prônant l’extension des droits et du rôle de la femme dans la société.
    • Le féminisme est cependant une notion plurivoque qui se décline en de multiples courants, parfois opposés. On distingue traditionnellement quatre grandes « vagues féministes » qui se sont succédées dans l’Histoire, sans nécessairement s’exclure (bien que la notion de vagues soit contestée par certains courants féministes qui reprochent son cracatère trop globalisant):
      • La première vague qui débute avec la Révolution française et qui revendique l’égalité des droits entre les sexes ;
      • La deuxième vague qui se structure dans les années 1960 et qui porte des revendications sociétales, concernant notamment l’égalité salariale et la capacité des femmes à maîtriser leur propre corps ;
      • La troisième vague qui s’engage dans les années 1980 et qui procède à la déconstruction de la notion de genre ;
      • La quatrième vague qui démarre avec l’arrivée des grands réseaux sociaux sur internet dans les années 2000, et qui consiste essentiellement dans la dénonciation (sur ces réseaux) des violences et des discriminations faites aux femmes ;
  • Le féminisme apparaît de prima facie comme une nécessité face aux discriminations et aux violences qui frappent les femmes, dans l’Histoire mais aussi dans les sociétés contemporaines :
    • Ainsi dans le contexte des révélations succédant à l’affaire Weinstein, le Président de la République a érigé l’égalité « femmes-hommes » en grande cause du quinquennat le 25 novembre 2017, en déclarant que les limites persistantes en la matière relèvent d’une « honte nationale ».
  • Cependant, certains courants du féminisme contemporain (souvent appelés « néo-féminisme ») ont pris une tournure extrémiste et se sont fortement éloignés des revendications féministes traditionnelles, au point que l’on peut se demander si le féminisme n’est pas entrain de se retourner contre lui-même.

 

  • Problématique : Dans ces conditions, faut-il être féministe aujourd’hui ?

 

I) Face aux discriminations qui frappent les femmes dans l’Histoire, les premières vagues féministes ont légitimement revendiqué une plus grande égalité entre les sexes

 A.  Les femmes font traditionnellement l’objet de discriminations multiples

  1. Les femmes sont traditionnellement conçues comme inférieures à l’homme

Le présupposé d’une infériorité des femmes est plus ou moins fort selon les époques, mais s’impose comme une constante dans l’Histoire :

  • Sous l’Antiquité, les femmes sont exclues de la sphère civique et suscitent tantôt l’horreur, tantôt la moquerie :
    • Athènes excluait les femmes du corps civique (il n’existait que des « hommes libres »), à tel point qu’il n’existe en grec aucun mot pour « citoyenne ».
    • La mythologie grecque nous renseigne sur la crainte qu’inspiraient les femmes aux grecs :
      • La première femme est née de la colère des Dieux contre les hommes. C’est Pandore, qui ouvre par curiosité la boîte qui portait tous les maux de l’humanité (vieillesse, maladie, guerre, famine, misère), alors que Zeus le lui avait formellement défendu. Dans la mythologie grecque (comme dans la tradition chrétienne), c’est donc par la femme qu’existe le mal sur terre.
    • La comédie grecque tourne en dérision l’idée d’un pouvoir des femmes :
      • Aristophane, L’Assemblée des femmes : dans cette comédie, les athéniennes profite du sommeil des hommes pour prendre le pouvoir et pour adopter des mesures absurdes telles que le droit pour les femmes les plus laides et les plus âgées d’élire le compagnon de leur choix. La pièce s’achève sur un grand banquet célébrant le nouvel ordre athénien, qui tourne au délire dionysiaque ;
  • La tradition chrétienne et biblique est plus ambigüe quant à la place des femmes :
    • D’après la Genèse, la femme est fabriquée par Dieu à partir d’une côte d’Adam. Ce passage a pu être mis au service d’une vison égalitaire (puisque les côtes se situent au milieu du corps) ou non (puisque la femme reste conçue à partir d’un élément du corps de l’homme) selon les théologiens ;
    • Le récit de la création de la femme insiste sur un principe d’unité entre homme et femme qui participe de la même humanité : « Dieu créa l’Homme à son image, à l’image de Dieu il les créa, homme et femme il les créa » ;
    • C’est pourtant par le péché d’Ève que se répand le mal sur terre ;
  • La période médiévale porte l’exclusion des femmes à son apogée avec :
    • Un tournant intellectuel sous l’influence de Saint Thomas d’Aquin, qui en bon aristotélicien est un partisan résolu de l’infériorité des femmes ;
      • Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique : reprenant la formule d’Aristote, Thomas d’Aquin avance que la femme est un « mâle manqué » (Femina est mas occasionatus).
    • Un tournant juridique dû à la conjoncture politique : En 1316, pour la première fois un roi capétien (Louis X le Hutin) meurt sans héritier mâle, et laisse au monde une fille, Jeanne de Navarre. Afin d’éviter son arrivée au pouvoir, les juristes de la cour inventent la « Loi salique », qui non seulement réserve le pouvoir aux hommes mais empêche aussi aux femmes de transmettre la couronne.
  • Le mouvement des Lumières n’échappe pas non plus à la thèse de l’infériorité naturelle des femmes, et nombre de grands penseurs de cette époque offrent un véritable florilège de misogynie :
    • Schopenhauer, Essai sur les femmes : « La femme est un animal à cheveux longs et à idées courtes » ;
    • Rousseau, L’Émile ou De l’éducation : « La femme est faite pour céder à l’homme et pour supporter même son injustice » ;
    • Le Code Civil de 1804 prévoit que « la femme doit obéissance à son mari ». 
  1. L’infériorité supposée des femmes a longtemps été justifiée par leurs caractéristiques physiologiques

Le discours des hommes a longtemps justifié l’infériorité des femmes par des considérations biologiques et physiologiques :

  • L’infériorité des femmes a longtemps été conçue comme un fait inscrit dans l’ordre naturel :
    • Aristote, Les politiques : Aristote défend une vision hiérarchisée de l’univers dans laquelle les femmes sont supérieures aux esclaves, aux animaux et aux plantes, mais restent inférieures aux hommes.
  • Cette conception d’une infériorité naturelle des femmes a longtemps eu un effet « autoréalisateur » du fait de son intériorisation par les intéressées :
    • Bourdieu, La domination masculine, 1998 : la domination masculine procède d’une « biologisation du social », donc d’une « construction sociale naturalisée », les femmes ayant intégré des habitus (modes de pensée et de comportements conscients et inconscients) de sexe.

B. Face à ces discriminations, les premières vagues féministes ont légitimement revendiqué une plus grande égalité entre les hommes et les femmes

  1. La première vague féministe a revendiqué l’égalité des droits entre les sexes

La première vague féministe (1789-1960) a revendiqué l’égalité des droits formels entre les femmes et les hommes. On distingue plusieurs étapes :

  • Au moment de la Révolution Française, se développent les revendications d’égalité des droits entre les hommes et les femmes. En effet, les premières (et les premiers) féministes ont pris à défaut les grands principes révolutionnaires (l’égalité des droits notamment) pour en montrer les limites et la nécessité de leur extension à l’autre moitié de l’humanité :
    • Olympe de Gouges Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791 : défend le principe selon lequel l’identité des devoirs doit entraîner celle des droits, selon la formule fameuse : « La Femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ». Olympe de Gouges réclamait ainsi un traitement égalitaire des femmes dans tous les domaines de la vie, tant publics que privés :
      • Droit au vote et à la propriété privé ;
      • Droit à l’éducation ;
      • Droit d’exercer des charges publiques ;
      • Égalité de pouvoir dans la famille et dans l’Église.
    • Condorcet, Article sur l’admission des femmes au droit de la cité, 1790 : avance que sans égalité des droits entre les hommes et les femmes, c’est l’idée même d’universalisme, donc de Droits de l’Homme, qui tombe : « N’est-ce pas violer le principe de l’égalité des droits, en privant tranquillement la moitié du genre humain de celui de concourir à la formation des lois, en excluant les femmes du droit de cité ? »
  • Au XIXe siècle, l’égalité des droits entres les hommes et les femmes fait l’objet d’une théorisation philosophique: 
    • John Stuart Mill, De l’assujettissement des femmes: Mill avance que l’infériorité supposée des femmes (qui justifiait traditionnellement leur assujettissement) n’est en fait que le résultat d’une mécanique d’exclusion qui s’autoentretient : les femmes n’ayant pas le droit de vote, n’ayant le droit qu’à une éducation partielle, et étant absorbées par les tâches domestiques et maternelles qui leurs sont dévolues, n’ont pas la possibilité matérielle de s’affirmer :
      • Or, l’assujettissant des femmes nuit aux sociétés qui se privent de la moitié des talents et des compétences qu’elles contiennent : « Le monde fait une perte extrêmement sérieuse en refusant de faire usage d’une moitié de la quantité totale des talents qu’il possède »
  • À partir de la fin du XIXe siècle, les mouvements « féministes » en faveur de l’égalité des droits s’organisent politiquement et revendiquent notamment l’extension du droit de vote aux femmes :
    • Le premier Congrès international du droit des femmes se réunit à Paris en 1878 et adopte une série de résolutions parmi lesquelles figure le principe selon lequel « la femme adulte est l’égal de l’homme adulte » ;
    • Les mouvements de suffragettes (qui réclament le droit de vote des femmes) apparaissent en Grande-Bretagne puis se développent dans les autres pays européens :
      • En Grande Bretagne, la Women’s social and political union fut créée en 1903 pour revendiquer le droit de vote des femmes, et se caractérisait par des modes d’action fondés sur la provocation qui rompaient avec la bienséance qui dominait jusqu’alors le mouvement suffragiste britannique;
      • En France, l’Union française pour le suffrage des femmes fut créé en 1909. 
  • Au XXe siècle, les deux conflits mondiaux contribuent fortement aux droits des femmes puisque leur contribution efficace aux efforts de guerre leur permet de revendiquer légitimement une plus grande égalité :
    • La Première Guerre mondiale eut pour conséquence une importante pénurie de main-d’œuvre masculine liée à la mobilisation et amena les femmes à occuper des emplois traditionnellement masculins (à l’usine et dans les champs notamment). Cela provoqua une remise en question des capacités des femmes au travail.
    • Pendant la seconde guerre mondiale, de nombreuses femmes s’engagent dans la Résistance intérieure française (elles représentent 10% à 15% des résistants) à l’image de Germaine Tillion, Lucie Aubrac ou Berthie Albrecht.

Ces revendications ont rencontré un indéniable succès puisque :

  • L’égalité des droits entre les hommes et les femmes s’est considérablement renforcée, comme en témoigne la reconnaissance progressive du droit de vote des femmes dans les démocraties occidentales, en 1918 en Grande-Bretagne, en 1919 en Allemagne, en 1920 aux Etats-Unis.
    • En France, l’ordonnance d’Alger du 21 avril 1944 stipule que « les femmes sont éligibles et électrices dans les mêmes conditions que les hommes » ;
  • L’égalité des droits dépasse le seul domaine du droit de vote pour investir progressivement tous les aspects de la vie sociale :
    • Le préambule de la Constitution de 1946 stipule que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à l’homme ».
    • En matière d’égalité salariale et professionnelle :
      • La loi Roudy du 13 juillet 1983 (complétée par la loi Génisson du 9 mai 2001) reconnaît l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
      • La loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes renforce les moyens concernant la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et la conciliation entre l’activité professionnelle et la vie familiale.
    • En matière politique :
      • La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 ajoute à l’article 3 de la Constitution de 1958 la disposition suivante : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » et prévoit à l’article 4 de la Constitution que les partis « contribuent à la mise en œuvre » de ce principe ;
      • La loi 6 juin 2000 sur la parité en politique module l’aide publique aux partis politiques en fonction de leur respect de l’application de la parité pour la présentation des candidats aux élections.
      • La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 modifie l’article 1 de la Constitution qui est désormais ainsi rédigé : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
  1. La seconde vague féministe a revendiqué une plus grande autonomie des femmes

La seconde vague féministe, qui s’engage dans les années 1960, dépasse la revendication d’une égalité des droits formels entre les femmes et les hommes pour réclamer une plus grande liberté des femmes, dans leurs choix existentiels de tous ordres et principalement dans le rapport à leurs corps :

  • La grande théoricienne de cette seconde vague est Simone de Beauvoir :
    • Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, 1949 : Beauvoir affirme que la féminité est un mythe façonné par l’homme dans l’Histoire. La féminité relève selon elle non pas de la nature, mais d’un apprentissage social, selon la formule célèbre: « on ne naît pas femme, on le devient ».
  • En France, le Mouvement de libération des femmes (MLF) revendique (principalement) la libre disposition du corps des femmes :
    • Né dans le sillage du Women’s Lib américain et des événements de mai 1968, le MLF organise des manifestations, des réunions publiques et lance des pétitions pour revendiquer une plus grande liberté des femmes, dans leur rapport au corps notamment ;
    • En 1971, de nombreuses militantes du MLF cosignent le « Manifeste des 343 salopes » rédigé par Simone de Beauvoir et publié par Le Nouvel Observateur. Dans ce manifeste, 343 femmes célèbres, artistes ou écrivains annoncent avoir eu recours à l’avortement, qui était encore interdit en France.

Ces revendications ont elles aussi rencontré un large succès puisque les femmes se sont vues pourvues des moyens de contrôler leurs corps :

  • La loi Neuwirth de 1967 légalise la contraception et autorise la commercialisation de la pilule inventée aux États-Unis en 1956 ;
  • La loi Veil de 1975 autorise l’avortement, qui sera remboursé par la sécurité sociale à partir de 1982.

 

II) Aujourd’hui, la lutte contre les discriminations et les violences encore faites aux femmes n’impose pas l’adhésion aux théories les plus radicales du féminisme contemporain

A. Les femmes sont encore victimes de discriminations et de violences qui doivent être combattues

  1. Les femmes font encore l’objet de discriminations dans les sphères publique et privée

Si l’égalité des droits formels est aujourd’hui acquise, les femmes font encore l’objet de discriminations dans la pratique :

  • Dans le secteur privé sévit le phénomène du « plafond de verre », puisque :
    • Les femmes représentent seulement 17% des comités exécutifs et de direction des entreprises du CAC 40;
    • Le revenu salarial des femmes est inférieur de 24 % à celui des hommes en 2014, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Si une partie de cet écart salarial s’explique par le recours plus fréquent au temps partiel par les femmes, il reste un écart de 9,9 % qui constitue une « discrimination pure ».
  • Dans le secteur public, les femmes restent également sous-représentées :
    • C’est le cas dans la vie politique :
      • À l’issue des législatives de 2017, 39% des députés sont des femmes ;
    • C’est le cas dans la haute administration :
      • Alors que les femmes représentent 63% des agents de la fonction publiques, elles n’occupent que 40% des postes de catégorie A+ ;

Face à ces limites, la lutte contre les discriminations persistantes faites aux femmes passe de plus en plus par une approche paritaire :

  • Le principe de parité tend à s’imposer dans tous les domaines :
    • En matière politique :
      • Loi du 6 juin 2000 sur la parité prévoit une parité obligatoire (alternant un homme et une femme) pour les élections au scrutin de liste (municipales, régionales, européennes, sénatoriales) et facultative pour les élections législatives uninominales (avec cependant une sanction financière pour les partis ne présentant pas un nombre égal d’hommes et de femmes au niveau national).
    • Dans la société civile :
      • Loi du 27 janvier 2011 prévoit un quota minimal de 40% des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées à partir de 2018 ;
      • Loi du 4 août 2014 relative à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes renforce les sanctions qui visent les entreprises ne respectant pas cet impératif.
    • Dans la haute fonction publique :
      • La loi Sauvadet du 12 mars 2012 prévoit la mise en place d’un quota de 40% de femmes dans les primo-nominations aux plus hautes fonctions de l’administration d’ici à 2018 sous peine de sanctions financières.
    • Cette approche paritaire est peut être nécessaire, au moins durant une période transitoire. Il n’en reste pas moins que la sélection par quotas est parfaitement contraire au principe de méritocratie républicaine et doit donc être maniée avec précaution.
  1. Les femmes font encore l’objet de violences

Les femmes font l’objet de violences multiformes :

  • Les violences physiques et sexuelles au sein du couple qui concernent 220 000 femmes par an ;
  • Les violences sexuelles avec 95 000 femmes victimes de viol ou de tentative de viol chaque année ;
    • On note que seulement 13% des femmes victimes de viol déposent plainte ;
  • Les mutilations sexuelles féminines qui concernent 55 000 femmes par an (souvent des jeunes filles)

Face à ces violences, des plans triennaux de lutte contre les violences faites aux femmes se succèdent depuis 2004. 

B. Cette lutte nécessaire n’impose pas l’adhésion aux thèses les plus radicales du féminisme contemporain

  1. Le féminisme contemporain est issu de la troisième et de la quatrième vague féministes

Les féminisme contemporain est issu  de la « troisième vague féministe » des années 1980 et 1990, et de la « quatrième vague » qui s’engage dans les années 2000  :

  • La troisième vague féministe  regroupe une nébuleuse de mouvements parfois opposés, qui ont pour point commun de s’appuyer sur une logique déconstructiviste (donc sur une déconstruction de l’idée même de genre) :
    • La troisième vague s’est développée (dans les campus américains initialement) sous l’influence conjuguée du psychanalyste Jacques Lacan, du sémiologue Roland Barthes, des travaux de Michel Foucault et la philosophie déconstructiviste de Jacques Derrida (french theory) ;
    • En découlent notamment les gender studies, qui désignent des études pluridisciplinaires qui distinguent le sexe et le genre pour s’interroger sur la construction des rôles sociaux attribués aux hommes et aux femmes :
      • Gayle Rubin, Penser le sexe, 1984 : Rubin remet en cause la « fusion définitionnelle » entre le sexe et le genre, en avançant qu’il existe une relative autonomie du champ du sexe par rapport à celui du genre : « je soutiens aujourd’hui qu’il est essentiel de séparer analytiquement le genre et la sexualité pour mieux refléter leur existence sociale séparée ».
      • Judith Butler, Trouble dans le genre, 1990 :
        • Butler développe la notion de performativité selon laquelle les actes et les discours genrés des individus sont performatifs, c’est-à-dire qu’ils réalisent eux-mêmes ce qu’ils énoncent :
          • Butler définit le genre comme une performance sociale apprise, répétée, et exécutée   ;
          • Or, à force de suivre un script de genre (un ensemble de comportements) censé être adéquat à son sexe de naissance, les individus finissent par ratifier l’idée selon laquelle l’assignation d’un genre à chaque sexe est naturelle et indépassable ;
          • Judith Butler définit ainsi le genre comme « une série d’actes répétés qui se figent avec le temps de telle sorte qu’ils finissent par produire l’apparence de la substance, un genre naturel de l’être ».
        • Butler considère que c’est le genre qui construit le sexe, et non l’inverse :
          • Les différences biologiques ne sont pas en elles-mêmes significatives ;
          • C’est la construction sociale des genres qui assigne un sens aux différences naturelles (donc au sexe) ;
          • Autrement dit le sexe est tout autant culturel que le genre.
      • Une autre particularité de la troisième vague féministe est l’importance accordée aux minorités ethniques et sexuelles :
        • Ainsi le concept d’intersectionnalité (au cœur de la troisième vague) définit les études qui croisent le sexe et la race dans l’analyse des rapports sociaux. L’intersectionnalité désigne les personnes qui subissent simultanément plusieurs formes de discrimination dans une société (il en va ainsi par exemple des personnes qui sont à la fois noires, homosexuelles, transgenres ou encore handicapées). Ainsi le féminisme est souvent associé à la lutte contre l’homophobie et contre l’antiracisme :
          • Audre Geraldine Lorde est une poétesse noire (à la fois féministe, lesbienne et engagée contre le racisme) qui s’élève contre le caractère blanc et bourgeois du féminisme radical ;
          • De même Bell Hooks (de son vrai nom Gloria Jean Watkins), féministe afro-américaine, s’intéresse aux relations existantes entre race, classe et genre, et sur la production et la perpétuation des systèmes d’oppression et de domination se basant sur eux ;
  • La quatrième vague féministe (parfois nommée « féminisme en ligne ») s’engage avec la montée en puissance des réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram, Youtube) dans les années 2000 et 2010 :
    • Ce féminisme s’appuie sur la visibilité qu’apportent les nouveaux réseaux sociaux de masse pour dénoncer les violences faites aux femmes :
      • En 2012, la féministe britannique Laura Bates créé le Everyday Sexism Project, qui consiste en un forum en ligne où les femmes peuvent publier leurs expériences quotidiennes de harcèlement ;
      • Le point culminant est le mouvement #MeToo (ou #BalanceTonPorc en France) depuis octobre 2017, dans les suites de l’affaire Weinstein
    • David Bertrand, L’essor du féminisme en ligne, Symptôme de l’émergence d’une quatrième vague féministe ? (Revue Réseaux, 2018) : le féminisme en ligne s’appuie sur une culture de la dénonciation (« call-out culture ») en temps réel de comportements ou paroles considérés comme déviants, tout particulièrement sur Twitter où tout un chacun peut relier un contenu à un hashtag afin de le rendre visible à tous ceux qui suivent ledit hashtag.

 

  1. On peut légitimement s’inquiéter des conséquences de ces nouveaux courants féministes

Le féminisme qui se développe aujourd’hui à partir de ces deux dernières vagues peut laisser dubitatif à de nombreux égards. Le terme de « néo-féminisme » est souvent employé péjorativement pour désigner de façon globale les courants les plus extrêmes du féminisme contemporain. Plusieurs critiques sont récurrentes:

  • Une première limite tient à l’extraordinaire complexité doctrinale du féminisme contemporain, qui se traduit par une certaine opacité :
    • Ainsi, dans une logique intersectionnelle, le féminisme contemporain se trouve inextricablement lié à d’innombrables autres luttes en faveurs des minorités. En témoigne l’intrication croissante des mouvements féministes et des mouvements LGBT (Lesbiens, Gays, Bi et Trans) qui ne sont plus guère distinguables ;
    • En découle une difficulté de lecture des thèses et des revendications féministes contemporaines.
  • Une seconde critique concerne la dimension communautariste, voire séparatiste de certains courants extrêmes du féminisme actuel, qui s’oppose aux revendications égalitaires traditionnellement portées par les mouvements féministes :
    • On pense notamment au développement de la « non-mixité » – donc l’exclusion des hommes – dans les débats féministes au prétexte que les hommes sont potentiellement discriminants et que leur présence risque de porter atteinte à la libération de la parole des femmes ;
      • Ce développement de la non-mixité apparaît paradoxal pour des mouvements censés militer en faveur de l’égalité et de la non-discrimination.
    • Plus globalement, de nombreux courants du féminisme contemporain revendique davantage le droit à la différence que l’égalité des droits : alors que les féministes de la seconde vague revendiquaient essentiellement l’égalité des droits, le féminisme radical contemporain plaide en faveur d’une différentialisation des sexes. On voit ici un paradoxe dans la mesure où le néo-féminisme procède à une forme de ré-essentialisation des sexes, à rebours des travaux des féministes de deuxième génération (Simone de Beauvoir) et de troisième génération (Judith Butler).
  • Une troisième critique porte sur le caractère excessivement victimaire de certaines branches du féminisme contemporain, qui dépasse de loin la dénonciation des véritables agressions et discriminations dont souffrent les femmes :
    • En témoigne la notion de micro-agressions, qui se définit comme l’ensemble des actes quotidiens et d’apparence vénielle, mais qui contribueraient à la discrimination et à l’oppression des femmes :
      • C’est le cas de la dénonciation du « manspreading », donc de la tendance des hommes à prendre trop de place dans les transports en commun du fait qu’ils écartent les jambes en s’asseyant ;
      • C’est également le cas de la critique du « mansplaining », à savoir une tendance des hommes à s’adresser aux femmes avec condescendance et paternalisme dans le cadre d’une conversation (et notamment dans les débats publics), alors même que les femmes en savent parfois plus qu’eux sur le sujet ;
    • En témoigne également la dénonciation de la langue elle-même, supposée porter dans sa grammaire et sa syntaxe des stigmates de misogynie :
      • Ainsi l’écriture inclusive, promue par certains féministes, consiste à essentiellement à revenir sur la règle selon laquelle le masculin ne l’emporte plus sur le féminin au pluriel;
      • De même au Canada, l’hymne national a été modifié en 2018 afin de le rendre plus neutre (moins genré) :
        • La phrase « «True patriot love in all thy sons command» » est devenue « True patriot love in all of us command ». Le Canada a donc évacué le terme de « fils » au profit du terme de « tous ».
  • Une quatrième critique pointe une forme de puritanisme qui imprègne aujourd’hui le féminisme, qui va à rebours de la libération sexuelle voulue par les féministes du MLF issues de mai 1968 :
    • On observe aujourd’hui l’hégémonie d’un féminisme « justicier » et « punitif », qui fonctionne par dénonciation systématique par voie de réseaux sociaux ou par voie judiciaire :
      • Renée Fregosi, Les nouveaux autoritaires. Justiciers, censeurs et autocrates, 2017 : Renée Fregosi, qui était elle-même une actrice du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) dans les années 1970, s’inquiète de la montée en puissance de ce néo-féminisme à la fois « victimaire » et « punitif », qu’elle conçoit comme une contradiction de la lutte pour la libération du corps qui était portée par les féministes de deuxième génération.
      • Jean-Claude Michéa, Impasse Adam Smith : Michéa résume magnifiquement ce paradoxe : «Quand la tyrannie du politiquement correct en vient à se retourner contre la tyrannie du plaisir, on assiste au spectacle étrange de mai 68 portant plainte contre mai 68, du parti des conséquences mobilisant ses ligues de vertu pour exiger l’interdiction de ses propres prémisses».
    • Les revendications punitives de certaines féministes trouvent d’ailleurs aujourd’hui des traductions en droit positif: 
      • Aux Etats-Unis, plusieurs Etats (dont la Californie) ont adopté des législations imposant aux universités d’adopter des réglements imposant le « consentement affirmatif » en cas de rapport sexuel entre les étudiants. De sorte que les étudiants ayant un rapport sexuel doivent obtenir un « oui » formel avant tout rapport;
      • En Suède, une loi de mai 2018 requiert également un consentement formel (exprimé par un « oui ») avant tout rapport sexuel entre adultes;
      • En France,  la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes créé une infraction d’outrage sexiste pour réprimer le harcèlement dit « de rue », caractérisé par des propos ou des comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
        • On peut s’inquiéter de l’hyper-subjectivité de l’appréciation du caractère humiliant ou offensant d’un comportement, de sorte que cette loi pourrait s’avérer liberticide si elle ne fait pas l’objet d’une application parcimonieuse par le juge et les forces de police ;
  • In fine, les nouvelles formes de féminisme risquent de remettre en cause la possibilité même d’une rencontre entre les sexes, au profit d’une guerre des sexes qui est aujourd’hui palpable :
    • D’une part, une misandrie (haine des hommes) évidente apparaît dans les propos de certaines féministes, à l’image de Caroline de Haas qui n’a pas hésité à annoncer que « un homme sur deux ou trois est un agresseur » ;
    • D’autre part, on observe chez certains hommes une réaction excessive, dont témoignent :
      • Un regain de misogynie ;
      • Le développement des courants dits « virilistes » qui militent en faveurs d’une « re-virilisation » des hommes. Ces mouvements peuvent être conçus comme le signe d’un sentiment de castration ressenti par certains hommes, qui en réaction tentent de se « bricoler » une virilité renouvelée et réaffirmée, bien que souvent grotesque :
        • Romain Gary, Entretien avec Jacques Chancel sur France inter en 1975 : « Je crois que l’Occident est obsédé par la virilité. C’est le signe d’une dévirilisation profonde, d’une angoisse qui se manifeste à l’extérieur par le machisme, et par des fanfaronnades de virilité, une recherche de substituts virils »

Conclusion : En définitive, le féminisme est une notion plurielle qui ne peut être jugée dans sa globalité, tant ses facettes sont nombreuses et parfois contradictoires. On distinguera donc deux grandes phases du féminisme. Le féminisme traditionnel (issu des deux premières vagues féministes) – qui revendique l’égalité des droits et la libre disposition de leurs corps par les femmes – ne peut qu’être célébré et encouragé. Il s’impose comme une nécessité dans l’Histoire, mais aussi dans les sociétés contemporaines puisque les femmes demeurent victimes de discriminations et de violences. A contrario, les branches les plus extrêmes du féminisme contemporain (issu des deux dernières vagues féministes) doivent être considérées avec plus de précaution. Elles présentent certainement des aspects positifs, tels que l’étude de la construction sociale du genre qui présente un intérêt intellectuel certain. Mais elles comportent aussi de nombreux risques, par leur caractère communautariste, victimaire et puritain. Ici, le féminisme qui visait initialement à reconnaître la pleine égalité entre les sexes risque de se retourner contre lui-même, en empêchant la possibilité même d’une rencontre entre les sexes. À cet égard, espérons que le poème de Vigny n’était pas prémonitoire :

  • Alfred de Vigny, La colère de Samson : « Et, se jetant, de loin, un regard irrité ; 
Les deux sexes mourront chacun de son côté. »

 

Pour aller plus loin :

  • Ici un podcast de France Culture (Répliques) sur le thème : « Le féminisme, état des lieux », avec Eugénie Bastié (auteure de Adieu Mademoiselle et Le porc émissaire) et Manon Garcia (auteure de On ne naît pas soumise, on le devient). L’émission reflète parfaitement les tensions qui traversent aujourd’hui les différents courants du féminisme.

17 commentaires sur “Faut-il être féministe ?

  1. Coucou. Autant je trouve l’article louable autant de mon point de vue non neutre puisque point de vue de jeune femme et de féministe actuelle il y a quand même beaucoup d’approximations et d’éléments avec lesquels je ne suis pas d’accord. Du coup je vais tenter d’argumenter pour vous faire part de ce qui m’y gêne. Cela risque fort d’être un pavé vu que je ne sais écrire sans en faire bien souvent aussi si vous ne publiez pas ce commentaire car vous le jugez trop long je le comprendrais mais en revanche j’espère que vous le lirez avec attention étant donné que ce que je vais y dire me tiens vraiment à cœur. Même si bien entendu si vous ne le faites point je ne vous en tiendrait pas rigueur.
    Le premier point que je reprocherais est une approximation sur l’histoire de l’étymologie du mot féminisme, c’est bien Dumas qui l’emploie le premier mais c’est en 1837 et en un sens tout différent de celui qu’il pris par la suite, c’est pour lui un terme négatif désignant des hommes qu’il juge féminisé et il l’empreinte au vocabulaire médical d’alors qui définit ainsi des hommes dont les médecines de l’époque estime que leurs pathologies les « féminise », source : https://fr.wiktionary.org/wiki/f%C3%A9minisme. C’est une femme et la première qui se revendiqua féministe, Hubertine Auclert qui en 1882 donna à ce terme son sens contemporain, jusqu’à la fin du XIXème siècle les mouvements que nous qualifions de mouvements féministes par anachronisme étaient nommés « mouvements féminins » ou « mouvements des femmes », le mot était utilisé par Hubertine Auclert dans le sens de personne militant pour empêcher l’affaiblissement des femmes et dans les années 1890 il a pris son sens contemporain de mouvement pour l’affranchissement des femmes en même temps que les premiers mouvements revendiqués comme féministes prenez forme. Comprenez que cela est important car bien des inventions de femmes au cours de l’histoire ont vu des hommes s’en attribué faussement et par vol la paternité, ce qui a eu pour conséquence de permettre aux misogynes d’arguer la thèse d’une infériorité des femmes par apports aux hommes au prétexte que ces dernières n’auraient « rien inventé », « argument » qu’ils emploient toujours principalement pour justifier le peu de place faite aux femmes dans le monde scientifique, aussi en ce contexte il me parait important et pas du tout de l’ordre du détail mineur de rendre à César ou plutôt en l’occurrence à Hubertine ce qui lui appartient c’est à dire la maternité de son invention du féminisme au sens de mouvement militant. Tout de même en attribuez faussement la paternité à Dumas qui était un misogyne affirmé ou même à Fourier qui lui défendait bien les droits des femmes mais restait néanmoins un homme c’est bien fâcheux cela revient à laisser entendre qu’il n’y aurait pas jusqu’à la défense de nous même que nous ayons réaliser par nos propres moyens, vous conviendrez j’en suis sure que cela n’a pas grand sens. Et bien entendu je vous laisse une source de mon affirmation : https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1987_num_34_3_1421.
    Ensuite petite précision, vous l’expliquez vous même le féminisme est multiple et bien des féministes non Occidentales ont critiqué l’ethnocentrisme de cette notion d’une histoire du féminisme par vague comme présentant celle ci d’un point de vue de femme blanche occidentale car celle ci est très différente dans les contextes non blancs et non occidentaux. Si vous choisissez de vous concentrez sur le seul cas du féminisme blanc occidental c’est possible mais alors il faut le mentionnez en introduction je pense et expliquer la raison de ce choix, car il est la forme dominante du féminisme en France et que vous souhaitez aborder l’histoire du féminisme français qui est à prédominance blanche est une façon valable de décider d’une telle orientation par exemple mais si on ne le fait pas cela donne l’impression qu’on pose comme universelle une histoire du féminisme qu’on choisit d’aborder en un cadre géographique restreint et du coup ça en fausse la vision ce qui est gênant dans un article qui semble avoir pour but une présentation générale du féminisme auprès du grand public et de lycéens donc de gens dont cela peut être la première approche de ce mouvement.
    Pour les vagues du féminisme je trouve vos définitions quelque peu réductrices et très visiblement orientées même si pour le coup vous défendez le fait de vous revendiquez favorable aux deux premières vagues du féminisme et point aux deux suivantes je ne suis pas sure qu’il soit opportun que cela s’en ressente jusque dans la définition de départ. Je trouve les définitions de Wikipédia plus claires, pour la première vague il y est dit : Pour chaque pays, l’apparition du mouvement féministe marque le début de la période et l’accès au droit de vote en marque la fin. C’est donc effectivement une égalité en droit mais leur définition est moins franco centrée et permet de visibiliser le moyen fédérateur de cette luttes et ayant permis leur victoire, le droit de vote. La deuxième vague vous la décrivez mieux à mon sens mais je trouve l’emploi du mot sociétal souvent usé de façon péjorative peu heureux, revendications sociales m’eut parut un choix de mots plus judicieux. Parce que justement c’est ça l’idée, lutter pour que l’égalité en droit devienne effective dans la société donc pour l’égalité sociale. Aussi peut être mais ça c’est juste mon point de vue que cela aurait été aussi important de signaler que ce mouvement été aussi porté comme la première vague par une lutte fédératrice, celle pour le droit à l’avortement et que les pays où celui ci est effectif sont considérés comme des pays où cette vague du féminisme a aboutit au succès de sa lutte, en France c’est donc depuis 1975 que ce combat est achevé dans ces grandes lignes même si comme vous le soulignez à juste titre ce mouvement fut plus large et les personnes féministes en France ne se reconnaissant pas dans les deux vagues suivantes mais continuant ce combat pour l’égalité sociale dont vous faites parti vous le dites vous mêmes pour l’égalité sociale entre les hommes et les femmes dans les domaines de la sexualité, du travail, de l’égalité salariale, du droit à la maitrise de son corps incluant particulièrement les droits liés à la reproduction et contre les viols et violences que les femmes subissent pour certains dont vous êtes s’en réclament encore pour se distinguer des vagues suivantes qu’ils désapprouvent. La troisième vague effectivement est née dans les années 1980 mais par contre si les questionnements sur le genre y sont importants ce n’en est pas la lutte centrale qui a été celle de faire cessez au sein du mouvement féministe international l’hégémonie des femmes n’appartenant pas à des minorités et de permettre à ce mouvement de laisser la place leur revenant aux voix des femmes issues de minorités marginalisées, principalement des femmes lesbiennes, des femmes bisexuelles, des femmes transgenres, des femmes pas blanches et des femmes handicapées. Je suis une jeune femme handicapée et je vous l’assure ce mouvement a été indispensable à rendre nos besoins audibles dans un mouvement féministe très focalisé globalement sur les luttes de femmes valides. Je ne doute pas que ce renforcement des interactions entre ces mouvements les rend moins lisibles de l’extérieur mais en interne il les rends surtout plus soudés et plus solides ainsi que plus utiles aux femmes de minorités marginalisées. Cependant je vous l’accorde il a aussi crée un flou sur la notion de féminisme, s’étant élargie principalement en devenant quasiment indistinct comme mouvement militant des mouvements LGBT et parfois synonyme de luttes minoritaires au sens large. Cela les met en avant certes mais en brouille effectivement les frontières. C’est pour cela que pour plus de clarté au lieu de qualifier les trois de féminisme je considère à titre personnel les luttes minoritaires en général comme des luttes de minorités marginalisées, les luttes féministes+LGBT de luttes contre le sexisme au sens large donc les dits antisexistes quand elles ont des combats communs et n’emploie le terme de féminisme que pour désigner des luttes spécialement orientée sur l’émancipation des femmes, cependant je sais que ces précisions sont minoritaires et que la plupart des gens emploient le terme pour désigner un peu tout cela de façon confuse. Cela est embrouillant je ne le nie pas cependant cela à au moins l’avantage de permettre de prendre en compte plus fréquemment les problèmes de personnes n’étant pas des femmes mais qui bénéficient des luttes féministes, les hommes gays par exemple dont le mouvement est lié fortement malgré des dissensions au mouvement féministe depuis les années 1970 les deux gagnant d’ailleurs souvent leurs combats de concert. Pour la quatrième vague du féminisme datant de 2012 environ c’est une notion émergente qui décrit assez vaguement le type de combat dans lequel je me suis engagée à cette époque où j’ai commencé à me dire féministe et qui n’avait point encore de nom celui de jeunes féministes qui certes vivent à l’âge d’Internet et donc l’utilise parfois comme moyen d’action féministe mais dont le militantisme est aussi de terrain et ne se limite pas à ce seul champ d’action, guère plus que celui des féministes des vagues précédents d’ailleurs qui n’usent pas moins qu’elles de l’outil informatique. Justement il est né de la dispersion des mouvements féministes très divers issus de la mise en avant des femmes marginalisées à la période précédente qui avait atteint un tel niveau que l’on commençait à craindre en interne que le mouvement ne se disloque du fait de ses nombreux désaccords intestins et d’absence de combat unitaire apparent, seulement ce combat a fini par s’imposer de lui même et est clair de nos jours c’est la lutte contre les violences faites au femmes particulièrement axée contre les viols, les violences conjugales, les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel ainsi que la culture du viol c’est à dire l’environnement culturel de justification de ces attaques misogynes violentes envers les femmes qu’il a été analysé par les féministes contemporaines comme devant nécessairement faire objet d’une critique généralisée pour que ces situations dramatiques deviennent beaucoup moins fréquentes qu’elles ne le sont de nos jours. Cela a permis de plus le retour à un féminisme plus intergénérationnel dans la mesure où les féministes qu’elles soient « seconde », « troisième » ou « quatrième » vague et quelques soient leurs querelles entre elles sur d’autres points de disputes qui sont très nombreux toutes les féministes sont d’accord là dessus, elles ne veulent plus être violée, plus subir de violences conjugales, plus être agressés sexuellement et plus subir de harcèlement sexuel et elle veulent que ce qui dans notre culture rend ces faits si fréquents cesse d’exister pour que ceux ci diminuent tout simplement. Après ces vagues ce sont des théories d’historien un peu à rebours des mouvements réels, on cherchait pas à être de
    quelque vague que ce soit juste à résoudre nos problèmes quotidiens par les formes de luttes qu’on s’est trouvées. De plus je fais partie des femmes qui trouvent que cette approche en vague invisibilise totalement deux combats majeurs indissociables du féminisme, la lutte des classes et l’anticolonialisme et donc je ne m’y reconnais pas à mes yeux c’est une vision bourgeoise blanche du féminisme qui ne fait guère sens, et qui amène la majorité des féministes à se centrer sur des choses très secondaires et peu à mêmes de changer véritablement la situation en profondeur de mon point de vue tel que le mouvement Me Too en omettant totalement les combats centraux des femmes à l’heure actuelle sur le front anticolonial et le front social, à savoir dans la France d’aujourd’hui le soutien des femmes Kanaks dans la lutte pour l’indépendance de la Kanaky d’une part et celui aux femmes du mouvement des Gilets Jaunes et à leurs revendications généralistes ainsi qu’à leurs revendications spécifiques aux femmes. Franchement s’en est à un point où il m’arrive régulièrement de me dire que me définir comme pour les luttes d’émancipation des femmes plutôt que comme féminisme vu l’embourgeoisement terrible du féminisme majoritaire actuel serait peut être nécessaire donc vous voyez malgré nos différents nous avons des points d’accord sur le fait que le féminisme actuel a de très gros problèmes de légitimité sous ses formes les plus visibles. Néanmoins féminisme reste le mot le plus spontanément employé par plein de femmes pour définir leur lutte pour leurs droits alors j’hésite encore à l’abandonner complètement juste pour me désolidariser d’une partie de ces combats où je ne me reconnais guère car je ne veux pas en même temps devenir inaudible pour celles à qui ce mot tient à cœur qui ont des luttes en lesquelles je me reconnais.
    Vous faites erreur sur le terme de néoféminisme il ne désigne pas ce que vous qualifiez de féminisme extrémiste mais « une philosophie qui soutient l’idée d’une complète complémentarité entre hommes et femmes plutôt qu’une supériorité d’un sexe sur l’autre ou qu’une égalité de droit ou de fait. », autrement dit un féminisme de milieu conservateur, principalement en France celui qui s’exerce parmi les femmes des milieux de l’extrême droite religieuse catholique. Ou alors vous reprenez la formule de Christian Authier qui critiquait sous le terme de « néoféminisme revendicatif » la sexualité féminine agressive et la désacralisation du corps féminin qu’il trouve dans les textes féministes de Millet et de Despentes mais cela ne semble pas être ce que vous visez non plus donc je penche pour la thèse d’une confusion de terme de votre part. Je suppose que ce sont les troisième et quatrième vagues du féminisme qui vous semble extrémiste…on est toujours l’extrémiste de quelqu’un cependant donc autant pour la qualité du débat posez clairement votre désaccord avec ces derniers par des arguments plutôt que de juste les disqualifier d’avance de façon sous entendue par un terme péjoratif. Qui plus est fortement éloignés des revendications féministes traditionnel ça dépend sur quel point il me semble bien que les luttes contre le viol et les violences faites aux femmes qui continuent et sont plus que jamais centrales dans les combats des jeunes féministes sont totalement en phase avec le féminisme plus traditionnel que vous défendez.
    Je trouve un peu réductrice votre façon de juger le monde grec ancien plus misogyne que celui des créateurs de la Bible, vous évoquez autant les bons et les mauvais côtés d’un point de vue féministe des façons traditionnelles de comprendre la mythologie biblique alors pourquoi ne pas faire de même pour le monde grec? Par exemple vous évoquez Athènes mais pourquoi ne pas la comparez à Spartes où les femmes étaient bien plus libres que dans la grande cité quoi qu’évidemment là aussi subissant de nombreuses inégalités avec leurs hommes : http://lebureaudaspasie.blogspot.com/2014/09/etre-une-femme-sparte.html, et puisqu’on en parle les mythes grecs ne sont pas non plus avare en portraits de femmes moins négatifs et plus à même de plaire à des féministes que celui de Pandore, Athéna, Artémis, Atalante, Les Amazones etc…il y avait l’embarras du choix? Pourquoi n’en évoquer aucune pour contrebalancer votre exemple et le nuancer? Enfin pourquoi nulle mention des femmes de la Grèce Antique qui ont eu une grande influence en leur temps comme la philosophe Aspasie, la poétesse Sappho ou encore la savante Hypathie parmi bien d’autres? Car en l’état ça donne l’idée que les anciens polythéistes étaient très misogynes et que l’arrivée du monothéisme a un peu arrangé le sort des femmes ce qui est clairement faux.
    Aussi vous dites que l’ère médiévale fut la pire période pour les femmes….à la vérité je n’en suis guère convaincue pour avoir étudié un peu la question du sort des femmes dans le monde à chaque époque et même manqué d’en faire un livre je dois bien dire que la pire période pour les droits des femmes cela m’a clairement semblé être les années 1890 en Angleterre et en France…c’est à dire ce n’est pas un hasard la période précédant la naissance des mouvements politiques féminisme qui ont été une défense des femmes contre la dégringolade de leurs droits en ces lieux à un moment très particulier de leur histoire. Par exemple celles ci n’avaient nul droit politique alors en France là où au haut moyen âge des femmes comme Brunehaut et Frénégonde avaient un indéniable pouvoir politique : https://savoirsdhistoire.wordpress.com/2016/09/12/fredegonde-et-brunehaut/. D’ailleurs la suite de l’histoire du royaume de France a donné les reines du pays à de grandes dames de pouvoir à plusieurs reprises Blanche de Castille, Isabeau de Bavière Catherine de Médicis, Marie de Médicis ou Anne d’Autriche : http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/philippe-tourault/review/1902226-ces-reines-qui-ont-gouverne-la-france. Qu’après tant de grandes reines jamais la République de France qui se veut égalitaire n’ait eu de dirigeante a de quoi interroger. Si au fil des années celle ci est devenue moins misogyne que la monarchie française qu’elle a remplacé il me parait évident qu’elle le doit bien plus à la lutte des femmes françaises pour leurs droits qu’aux politiques successives de ses dirigeants tous mâles et peu empressés de servir les causes des femmes. Et surtout ne me parlez pas d’Hollande et de Macron dont le soutien à ces causes n’est clairement qu’une façade.
    Attention quand vous parlez de la loi salique il y a une coquille vous écrivez sans héritier mal au lieu de sans héritier mâle, les mâles serait donc le mal? C’est un peu fâcheux de l’écrire surtout quand on se défend d’avoir une analyse « radicale » et « extrémiste » « anti homme » donc je suppose qu’il s’agit d’une faute d’inattention.
    De même vous citez les exemples de misogynie manifeste de penseurs des Lumières qui étaient bien dominants à l’époque mais les contraster et les nuancer par l’apport des femmes et des non misogynes à ces mouvements m’eut semblé permettre plus de mise en avant du rôle des femmes dans l’histoire au delà de celui d’éternelles victimes de leur mise en infériorité sociale et politique par rapport aux hommes, vous qui déplorez les tendances « victimaires » du féminisme contemporain je pense pourtant qu’éclairer l’histoire du monde sous un jour où les femmes se voient perçues comme sujets de leur histoire et non simplement objets passifs de celle ci vous plairait. Par exemple en contraste on peut citer datant aussi de l’époque des Lumières et participant clairement à ce courant des femmes qui prennent leur propre défense face aux misogynes de leur époque comme Mary Wollstonecraft qui en 1792 dans A Vindication Of The Right Of Woman a écrit : « Renforcez l’esprit des femmes en l’accroissant, et il sera mis fin à leur aveugle obéissance », en 1776 Abigail Adams femme du premier président des Etats Unis lui écrit en faveur d’une constitution garantissant le droit de vote des femmes et lui dit ceci : « Ne mettez pas de tel pouvoir illimité dans les mains des maris. N’oubliez pas que tous les hommes seraient des tyrans, s’ils le pouvaient. » et aussi ça : « Si nous n’accordons pas une attention particulière aux dames, nous sommes déterminés à fomenter la rébellion. Nous ne pourrons par conséquent invoquer aucune loi pour laquelle nous n’avons ni une voix ni une représentation. » Aussi cette situation déjà à l’époque de la Révolution était présente dans toutes les classes sociales en témoigne la pétition que des femmes qui ont fait la marche vers Versailles pour réclamer du pain : https://www.herodote.net/5_octobre_1789-evenement-17891005.php ont adressé peu après à l’Assemblée Nationale : http://chnm.gmu.edu/revolution/d/629/, il y est dit « Vous avez brisé le sceptre du despotisme, vous avez prononcé la délicieuse devise que les français sont libres. Et cependant vous continuez d’autoriser que 13 millions d’esclaves soit dans les fers de 13 millions de despotes! Vous avez devinez la vraie égalité des droits, et pourtant vous continuez de la refuser injustement à votre plus douce et intéressante moitié! Finalement vous avez décrété que le chemin de la dignité et des honneurs devait être ouvert sans préjugé à tout les talents, cependant vous continuer d’élever des barrières insurmontables aux nôtres! Pouvez vous penser alors que la nature, cette mère qui est si généreuse avec tout ses enfants, nous ait été si défavorable, et qu’elle n’ait accordé ses grâces et ses faveurs qu’à nos tyrans sans pitié? Ouvrez le grand livre du passé et voyez ce qu’on fait les femmes illustres de tout les âges, l’honneur de leurs provinces, la gloire de notre sexe, et jugez de ce dont nous serions capables, si votre aveugle prétention, votre aristocratie masculine, n’enchainait pas sans cesse notre courage, notre sagesse et nos talents ».
    Quand vous dites reprenant les mots de Bourdieu que les femmes ont intériorisé les discours sur leur infériorité sociale et que la domination masculine procède d’une « biologisation du social », donc d’une « construction sociale naturalisée », les femmes ayant intégré des habitus (modes de pensée et de comportements conscients et inconscients) de sexe. » c’est un peu oublier que les femmes ont théoriser tout cela bien avant lui dans leurs écrits féministes. Pour ce qui est de la domination masculine sur la femme et du besoin d’y mettre un terme pour arriver en une société égalitaire entre hommes et femmes on trouve déjà cette idée en 1622 dans le livre de Marie de Gournay, Égalité des hommes et des femmes et dès le départ de son histoire en France républicaine la gauche politique a toujours été surtout dans son courant socialiste traversée par des mouvements visant cette égalité des sexes sur le plan politique, cependant c’est dès le début du XIXème siècle et le mouvement ouvrier féminin réclame des mesures sociales pour mener à cette égalité, donc perçoit selon ses mots propres moins jargonnants que ceux de Bourdieu ce qu’il y a de social dans la construction de l’inégalité entre les sexe, demandant notamment des crèches pour libérer les femmes, on trouve d’ailleurs de Fourier lui même cette citation dans Charles Fourier, Théorie des quatre mouvements, 1808 : « Les progrès sociaux s’opèrent en raison des progrès des femmes vers la liberté et les décadences d’ordre social en raison du décroissement de la liberté des femmes. », pour ce qui est de la biologisation et de la naturalisation de faits sociaux cela est critiqué pour la première fois à ma connaissance dans les premières défenses des femmes ouvrières par le marxisme, en 1850 dans La Nouvelle Gazette Rhénane, Marx dont on sait que ses idées sur la condition féminine lui venait de sa fille et des autres femmes de son entourage qui luttaient pour leurs droits critique déjà les concepts de défense des femmes sur une base essentialiste et différentialiste en critiquant la position de ceux qui alors prétendait défendre la femme en exaltant son rôle de mère nourricière position qualifiée d’argumentation réactionnaire prétendant faussement que ce rôle social aurait été assigné aux femmes par la nature. En fait en dehors de l’aspect habitus tout ce qui fait l’argumentaire de Bourdieu était déjà présent tel quel dans celui des féministes marxistes du milieu du XIXème siècle. Le reste s’est élaboré plus tard mais bien avant Bourdieu lui même. Pour la suite du féminisme marxisme les théories résumées par Engels dans L’origine de la famille (1884) en établissant la propriété privée et les évolutions historiques de la famille qui s’en sont suivies comme étant à l’origine de l’état d’inégalité politique et sociale entre les hommes et les femmes et qualifiant la situation infériorisée des femmes comme une oppression et y proposant comme solution l’égalité économique des sexes dont il estime que sans elle jamais la femme ne sera l’égale de l’homme socialement quand bien même elle le deviendrait politiquement et en droit il est plus que limpide que la théorie féministe marxiste telle qu’elle est alors inclut dans ses analyses l’idée que les modes de pensées et de comportements des femmes qui agissent en ayant intériorisé la norme sociale de leur infériorité est le fruit de la domination masculine et de l’histoire des rapports de force entre l’homme et la femme au sein de la cellule familiale. Il n’y manque par rapport aux thèses de Bourdieu que le côté psychologisant faisant la même analyse à propos des processus inconscients issus de l’éducation inégalitaire qui font que même les femmes conscientes de ce problème peuvent agir involontairement en allant dans le sens de leur propre infériorisation par automatisme éducatif inconscient. Bien entendu c’est surtout du au fait que les idées autour de l’inconscient se sont popularisées plus tardivement au XXème siècle. Les idées marxistes, la psychologie et le féminisme se sont très rarement vues invoquées dans des textes théorisant en s’inspirant des trois à la fois avant le milieu du XXème siècle et à ma connaissance cela n’a jamais vraiment été mêlé dans des analyses pertinentes d’importance majeure avant que Simone de Beauvoir ne s’en charge dans le Deuxième Sexe en 1949. Elle y critique la psychologie et son champ alors dominant la psychanalyse pour s’être peu intéressée à la femme et avoir calqué ses analyses de cette dernière sur celles de l’homme et elle y critique bien des idées sexistes hélas encore communes de nos jours malgré bientôt 70 ans d’analyses féministes les invalidant en ce domaine telles que les idées d’une psychologie inconsciente ou figurerait supposément automatiquement et depuis toujours des idées sexistes « inébranlables » comme celles de la souveraineté du père ou de l’importance du pénis et juge que c’est ce genre de préjugés qui conduisent les femmes et les hommes à agir selon des déterminismes sexistes et les femmes à être aliénées de ce fait par la domination masculine. Dans le passage où elle évoque les Mythes elle dépeint plein d’aspects de la psychologie féminine, le fait de se vivre comme l’altérité de l’homme, de se dissocier de son corps et de s’écœurer de son fonctionnement (les règles par exemple), de sa sexualité aussi dans laquelle elle n’a dans sa version la plus commune aucun pouvoir, le rôle du christianisme dans ce renforcement de l’intériorisation psychologique de l’idée que la féminité est inférieure, l’idée que la femme est avant tout mère et soumise épouse, au service de l’homme et docile, allégorie de valeurs comme la liberté ou la victoire ou d’éléments naturels, mais surtout grand jamais être de société et de culture et son propre sujet. Elle constate ensuite que tout les démentis de l’expérience sont impuissants à virer ces mythes misogynes de la psychologie féminine tant individuelle que collective. C’est alors qu’elle entreprend de faire le passage en revue de l’éducation qui mène un nourrisson femelle à devenir femme au sens d’être socialement inférieur à l’homme, le fameux « on ne nait pas femme on le devient ». Elle a alors tout un tas de thèses plus ou moins vérifiées ou au contraire pour certaines très critiquables mais l’idée de base y est : l’intériorisation par les femmes d’une psychologie qui les infériorise par rapport aux hommes leur vient de leur éducation selon des principes misogynes et c’est en changeant les aspects misogynes de cette éducation qu’on leur offrira de nouveaux possibles. Dans la dernière partie de son livre elle constate que l’égalité politique ne suffit pas et donc elle prône clairement une égalité sociale à obtenir par la lutte féministe notamment en faveur du droit à la contraception et à l’avortement. L’analyse c’est affinée depuis mais Bourdieu n’y est pour rien. Son livre date de 1998 et par rapport à celui de Beauvoir paru un demi siècle plutôt il n’apporte à mes yeux rien de nouveau à part des clichés essentialistes sur les femmes Kabyles dont on se serait bien passé. Je ne comprends vraiment pas les gens qui cite cet homme comme une référence féministe j’avoue cela m’échappe totalement.
    Je trouve aussi la formule « revendiquer plus d’égalité » étrange…soit on a l’égalité soit on l’a pas, on en a pas plus ou moins, si on la revendique c’est qu’on ne la détient pas.
    Sinon peut être que cela aurait été bien aussi de rappeler que celle qui se battait pour le droit des femmes à monter à la tribune puisqu’elles ont celui de le faire à l’échafaud est morte à l’échafaud même si c’était pour des raisons politiques en priorité il est clair que sa défense des droits des femmes fut retenue contre elle par les hommes qui ont décidé de lui faire subir ce sort.
    Sinon en quoi la contribution des femmes à l’effort de guerre a rendu leurs revendications plus légitimes qu’avant? Depuis quand pour être égales en droit aux hommes on doit participer à la lutte armée de façon nécessaire? Drôle de façon de présenter les choses, les femmes alors ont gagné des droits par leurs luttes pour leur émancipation propre facilitée par le fait que les hommes étant au front l’organisation politique des femmes entre elles était plus aisée tout comme la pratique de la sororité du coup elles ont gagnée en force de lutte et en capacité à revendiquer des droits tout simplement, le discours de « oh elles étaient courageuses alors pour les récompenser on leur a refourgué le droit de vote tyran généreux que nous les hommes politiques nous sommes avec nos femmes » c’est une réecriture misogyne de l’histoire du combat féministe pour le droit de vote qui ne fut pas généreusement donné par les hommes politiciens mais arraché de rude combat par le rapport de force que les femmes féministes ont alors réussi à obtenir en faveur de l’égalité en droit des hommes et des femmes et du droit de vote. Pareil pour les femmes au travail c’est pas une découverte du Premier Conflit Mondial, elles ont toujours travaillé surtout les femmes prolétaires et dans tout les domaines, la division genrée du travail existe mais elle a toujours eu ses exceptions minoritaires et comme le féminisme marxiste le souligne depuis le XIXème siècle elle est le produit de rapports de forces historiques entre hommes et femmes et non point d’une supposée tendance naturelle des femmes à préférer être assistantes maternelles et des hommes à préférer être militaires.
    Précision le féminisme contemporain c’est à dire tout ce qui s’est fait dans le féminisme depuis 1980 si je vous suit bien hormis ce qui est dans la pure continuité de la « seconde vague » n’est pas forcément de l’ordre de « théories radicales », le féminisme radical, qui par ailleurs existe depuis environ 1960 et est né en même temps en gros que la seconde vague du féminisme est un courant plus ancien du féminisme auquel les théories qui vous déplaisent n’appartiennent pas toutes loin s’en faut.
    Pour ce qui est du principe de la méritocratie et de la parité je pense que c’est moins la parité qui est critiquable que l’idée très vague de mérite quand même très abstraite, essentialiste et droitière, la mettre en avant suppose tout de même que ce serait par leurs mérites que les groupes sociaux avantagés le sont et ceux qui ne le sont pas ne le sont pas, on est quand même dangereusement proche d’une naturalisation des inégalités sociales par la magie du mystérieux « mérite » dont nous autres pauvres femmes aurions donc en moindre quantité que les hommes pour une raison inconnue, vraiment je trouve que ce concept ne tiens pas la route et est une pauvre roue de secours des argumentaires justificatifs des oppressions.
    Sinon pour ce qui est des plans successifs contre les violences faites aux femmes hélas c’est un peu comme ceux sur l’autisme leur nécessité qui perdure me semble plus démontrer que l’inégalité criante en ces domaines perdure et que la gestion de ces problèmes est laissée régulièrement à des gens incompétents à les résoudre que l’existence d’une réelle volonté politique de les régler et d’arriver à l’égalité réelle entre hommes et femmes comme entre autistes et non autistes.
    Pour la troisième vague ce que vous en décrivez ce n’en est qu’une toute petite partie celle qui s’articule autour du genre et des théories dessus, elle est venue en vérité en premier lieu des femmes des minorités ethniques en pays blancs à majorité qui en avaient ras le bol de voir leurs préoccupations spécifiques tout le temps remises à plus tard par les féministes blanches.
    Euh sinon ok le mouvement féministe et le mouvement LGBT se sont beaucoup rapprochés ces dernières années mais le mouvement féministe reste clairement dominé par des femmes cisgenres et hétérosexuelles de très loin donc que les deux coexistent pour que les besoins spécifiques des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres soient mis en avant notamment c’est on ne peut plus légitime que ce soit lisible ou pas.
    La non mixité on en pense ce qu’on veut et moi même dans le cas du féminisme et après l’avoir testée elle ne me convainc vraiment pas mais c’est une stratégie féministe qui est aussi ancienne que le courant féministe radical l’est, elle date donc en gros de 1960 pas de 2012 et donc pour le coup elle est aussi « seconde vague » historiquement que votre propre approche et le MLF que vous louez y avait recours lui aussi en son temps, donc critiquer l’approche pour ses potentielles dérives oui, la juger automatiquement inégalitaire en elle même je trouve que c’est y aller un peu fort.
    Pour le féminisme de quatrième vague je vois pas du tout en quoi il réessentialise les sexes…depuis quand ne pas vouloir se faire agresser ou harceler sexuellement c’est vouloir revenir à une version conservatrice et réactionnaire des rapports hommes femmes? Sur ce point je l’admets votre argumentaire m’échappe complètement.
    Bon pour le coup de la subjectivité extrême des plaintes des fans de mots en man+x+ing imprononçables je suis totalement d’accord avec vous.
    Euh pour le coup la langue et ce qu’elle porte de misogynie c’est pas mon combat car je préfère en matérialiste m’attaquer aux causes directes de la domination, en clair à la domination économique des hommes sur les femmes, en priorité plutôt qu’à ce genre de signes extérieurs secondaires de celle ci qui en résultent mais c’est un combat qui me semble bien plus vieux que le féminisme actuel les débats infinis sur si une femme de lettres doit se dire écrivain ou écrivaine ça existait bien avant 2012 et même avant ma naissance si je ne m’abuse. De plus ok c’est pas forcément une priorité mais le fondement inégalitaire de la règle de grammaire qui veut que le masculin l’emporte sur le féminin est très nette, de plus la grammaire française est en constante évolution comme la langue et s’est toujours adaptée aux changements de la société, d’ailleurs cette règle en français ne date sous sa forme généralisée que de l’instruction scolaire du XIXème siècle, ce livre pour le coup je vous le conseille pour un regard moins essentialiste sur les règles de la langue : https://www.babelio.com/livres/Viennot-Non-le-masculin-ne-lemporte-pas-sur-le-feminin-/609217, bon après je vous l’accorde l’écriture inclusive pour le moment est plutôt excluante car à part les milieux très fermée qui l’utilise personne n’y pige quoi que ce soit mais je trouve plus de souci à la méthode de vouloir à tout prix imposer un changement de langue à toute une société juste car ça correspond aux habitudes d’une minorité militante qu’au fait de vouloir faire évoluer le français vers une langue moins sexiste en lui même.
    Puritain….le féminisme « pro porno pro pute » à la Despentes? J’ai du rater un épisode. Non en vrai clairement dans les féminismes contemporain il y a des femmes nonnes, des femmes prostituées, et des femmes aux milles et unes activités et sexualités de nuances très variées, plus ou moins puritaines, complètement puritaines, ou pas du tout puritaines, la plupart des féministes le sont sans doute un peu beaucoup certes mais pas toutes loin s’en faut et présenter les jeunes féministes comme toutes descriptibles ainsi c’est quand même très caricatural je trouve.
    Euh alors autant je comprends qu’on s’inquiète de la judiciarisation du féminisme et de l’existence de plus en plus forte d’un féminisme carcéral autant j’admets que la tyrannie du plaisir ou autrement dit les rapports sexuels où la domination masculine et le risque de viol se perpétuent on s’en passe volontiers ils ne nous manqueront pas.
    En plus 1968 par ci 1968 par là…très honnêtement les jeunes en ont ras le bol de 1968 cette vieillerie d’imaginaire de gauche ringarde et usée jusqu’à l’os, on vit dans le présent et on veut construire le futur et pour le coup si il y a bien un passé qu’on trouve lourd pour y parvenir tant on nous gonfle avec pour rester poli c’est bien cette date là, tout n’était pas parfait en 1968 loin s’en faut et heureusement que dans bien des domaines les droits des femmes notamment de l’eau a coulé sous les ponts depuis lors, sérieusement s’en est à un point où je me dis que pour construire le monde de demain il va nous falloir enterrer 1968 et son mythe pour de bon. Ou du moins par pitié cesser de voir cette période avec les lunettes roses de la nostalgie. Franchement je parle pour une bonne partie des militants surtout du mouvement ouvrier actuel et même de nos jours des gens en général en reprenant comme slogan ce tag célèbre : MAI 68, ON S’EN FOUT : ON VEUT 1793 !
    Et pour ce qui est de la loi pas de quoi s’inquiéter la subjectivité des juges et généralement très loin d’être féministe et souvent misogyne au possible…ou plutôt justement c’est ça qui est inquiétant choisir de préférer modifier des lois à la con les unes derrière les autres en sachant pertinemment qu’elles ne seront pas appliquées et qu’au final au lieu d’avoir le courage de clairement entreprendre la révolution des institutions et notamment le remplacement de la justice actuelle par un système judiciaire neuf qui éviterait les biais misogynes que la justice française a depuis qu’elle existe.
    Je trouve votre conclusion très bizarre…c’est pas demain que le féminisme sous quelque forme qu’il soit empêchera hommes et femmes de se rencontrer et encore moins de se reproduire c’est un peu ridicule comme formule à mon avis.
    La guerre des sexes est aussi ancienne que l’oppression des femmes et les rapports de force entre hommes et femmes qui en sont issus si vous ne la découvrez que maintenant vous êtes un sacré veinard, la plupart des femmes la subissent depuis le berceau.
    Je ne nie pas que des femmes féministes ou non d’ailleurs qui sont misandres existent mais c’est aussi ancien que les inégalités entre hommes et femmes et donc probablement existant depuis l’Antiquité je ne pense vraiment pas que ce soit une invention actuelle vu que même dans la Grèce Ancienne on a retrouvé des traces de débats sur la question de qui est supérieur entre l’homme et la femme, avec bien sur plus de misogynes que de misandres mais aussi des positions misandres de type « la femme est supérieure à l’homme »…enfin misandres je dirais plutôt sexistes tout court car ce genre de positions est en général très imprégné d’idées sexistes tant sur les hommes que sur les femmes, en gros « les femmes sont pures et innocentes comme la Sainte Vierge et les hommes c’est Satan ». Cependant…ce genre de positions c’est une inversion de la norme dominante pas sa subversion mais c’est souvent comme ça que les gens commencent à contester leur position sociale infériorisée et inégalitaire, ça m’a l’air d’être une défense psychologique nécessaire pour supporter la domination, d’ailleurs les petites filles de maternelles dès qu’elles socialisent en groupe la prennent par automatisme en disant des choses comme « les filles les plus belles les garçons à la poubelle » pour contrer la position masculine de leurs petits camarades du groupe des garçons qui ont souvent la position sociale dominante sur la question c’est à dire en gros « les filles c’est beurk » et la leur impose, sortir de cela pour vouloir l’égalité cela met du temps, bon on est dans un pays ou politiquement elle est acquise donc une fois adulte la femme l’a automatiquement de naissance depuis longtemps, socialement si jamais on été pas au courant qu’il restait du boulot avant qu’elle le soit vous l’avez dit vous même cela fait quelques années que ces questions travaillent en profondeur les gens en France et s’imposent énormément dans l’espace médiatique donc tout le monde le sait qu’il reste du chemin pour avoir l’égalité, économiquement aussi et consciemment c’est ce que tout le monde ou presque veut mais pas la bourgeoisie car elle veut conserver sa domination économique…donc il faut la virer du pouvoir du moins c’est mon point de vue sur comment arriver à l’égalité entre hommes et femmes car c’est le seul moyen de revenir à l’égalité économique, qui est la condition principale de 90% de l’égalité tout court pour toutes les minorités marginalisées femmes comprises.
    Les hommes dévirilisés? Euh…je vois vraiment pas en quoi les hommes virils il en manque pas vraiment.
    Pour le risque des deux sexes de mourir chacun de leur côté vous dramatisez beaucoup je trouve…on continue de se reproduire hein, même quand on est féministes et en couple homme/femme ce qui n’a rien de rare. Bref je comprends que c’est surtout pour finir sur une citation stylée mais là ça fait un peu trop je trouve.
    Sinon sur le reste rien à dire on est d’accord.

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    1. Merci beaucoup pour ce commentaire très riche et très intéressant. Vous avez (il me semble) une vision qui allie la lutte des classes (dans une perspective marxiste matérialiste), la lutte pour l’intégration des minorités et la lutte féministe. Et vous la défendez très bien à mon avis. D’autres que vous pourrez défendre des visions toutes autres. Et d’ailleurs les différents courants féministes ne cessent de s’opposer leurs arguments respectifs. Quant à moi, à ma mesure, j’essaye simplement de donner une vue d’ensemble, dont je ne nie pas qu’elle ait des limites. La pertinence de votre commentaire m’amène cependant à essayer de vous répondre point par point :

      _ Sur l’origine du terme de féminisme :
      – Je suis forcé de reconnaître qu’il a d’abord été employé par Dumas fils de façon tout à fait péjorative. Je vais d’ailleurs préciser ce point dans mon article, et ajouter que ce se sont les féministes elles-mêmes qui ont donné au terme sa définition actuelle, vous avez raison.
      – Sur la date, vous dites 1837. Quelque chose m’a peut-être échappé sur ce point mais je maintiens qu’il s’agit de 1872 (date de publication de l’Homme-femme). Tout simplement parce qu’en 1837, Dumas fils avait 13 ans, ce qui me paraît un peu jeune pour inventer ce terme.

      _ Sur la notion de « vagues féministes » :
      – Pareillement sur ce point, je vais préciser qu’il s’agit d’une notion nécessairement partielle, qui fait l’objet de contestations par certains courants féministes :
      – Mais c’est (selon moi) précisément parce qu’elle est un peu schématique qu’elle est pertinente. Sans cela, comment rendre compte de l’extraordinaire complexité des revendications féministes qui se sont succédées et chevauchées dans l’Histoire ?
      – Sur le fait (que vous soulevez plus tard) qu’il s’agit d’une notion ethnocentrée d’un féministe qui ne prend pas suffisamment en compte la lutte antiraciste et la lutte des classes : là aussi je suis d’accord mais justement j’aborde ici principalement le féminisme occidental, et je ne veux pas trop brouiller le message.

      _ Sur la définition de chaque vague :
      – Tout à fait d’accord sur votre définition de la première vague, je vais la reprendre.
      – Pour la deuxième vague, je n’emploie pas le terme « sociétales » de façon péjorative mais pour montrer que les revendications ne sont pas seulement économique (sociales) mais concernent plus largement la place des femmes dans la société (sociétales).
      – Sur la troisième vague, je vous suis tout à fait sur le fait que l’intégration des minorités est en son cœur. Et je le dis dans mon article d’ailleurs. Mais l’influence du déconstructivisme (qui n’est pas du tout un terme péjoratif pour moi, au contraire) est tout aussi fondamentale. Vous soulevez ici que l’extension de la lutte féministe à la lutte anti-sexiste (LGBT et autres minorités) peut être source de confusion mais qu’elle est fondamentale. Je suis tout-à-fait d’accord. Mais ici je m’attache strictement au féminisme et par volonté de clarté, je ne veux pas mélanger les luttes (même si leur intrication est aujourd’hui réelle et probablement souhaitable).
      – Sur la quatrième vague, c’est une notion en émergence donc difficile de bien la délimiter. Il faudra à mon avis attendre un peu pour avoir une vue plus claire.

      _ Sur la notion de néo-féminisme : elle est évidement contestable. Et je reconnais qu’elle a un caractère disqualifiant. Je le précise d’ailleurs. Elle est principalement utilisée par des journaux/magasine comme « Causeur », qui penchent à droite. Mais malgré tout la formule permet de caractériser globalement ces mouvements, et c’est encore une fois son aspect schématique qui fait sa force. Sans utiliser ce genre de formule un peu réductrice, comment parler du féminisme en moins de 1000 pages ? Si vous avez une formule qui vous paraît moins violente et qui englobe elle aussi toutes les formes contemporaines de féminisme radical, je suis intéressé.

      _ Sur la place des femmes sous l’Antiquité, dans la Bible, dans la période médiévale et dans le mouvement des Lumières : encore une fois le propos est nécessairement partiel pour permettre de comprendre globalement le processus. Si je donnais à chaque fois le contre-exemple de ce que j’avance, mon article ferait là aussi 1000 pages. J’essaye ici de donner une vue générale, permettant de se faire une idée en 10 pages (quitte à provoquer des désaccords légitimes). Sur le fonds cependant, je maintiens l’idée générale selon laquelle le sort des femmes était assez terrible dans l’Antiquité, que la bible peut être lue (ou pas) de façon plus égalitaire, que la période médiévale fut à nouveau terrible et que les Lumières n’ont pas vraiment inversé la tendance.
      – Merci pour la coquille sur l’hériter mâle, je l’avais corrigé entre temps ☺
      – Et merci pour les citations, elles sont très intéressantes.

      _ Sur Bourdieu, je donne ici une référence classique, qui a pour mérite d’intégrer la notion d’habitus (propre à Bourdieu). Bien sûr cela n’exclut pas que des femmes aient avancé un propos similaire avant lui. De même, Bourdieu étant marxiste, sa vision est clairement inspirée de Marx. Mais je ne l’ai pas mentionné, encore une fois, par nécessité synthétique.

      _ Sur le rôle des deux guerres mondiales dans le combat pour l’égalité des femmes, c’est la théorie majoritaire donc je la reprends ici. On ne peut que remarquer que le droit de vote des femmes, dans les pays occidentaux, suit en général de très près les deux guerres mondiales. Et cela n’empêche pas que les mouvements féministes y aient fortement contribué de leur côté.

      _ Sur la parité et le mérite. La question est complexe. Je vais d’ailleurs publier un article sur le sujet un de ces jours. Mais disons que la parité ne correspond à la conception républicaine (traditionnelle si vous voulez) du mérite. Qui est une idée de gauche initialement.

      _ Sur le puritanisme. Despentes est clairement un contre-exemple je suis d’accord. Toutes les féministes ne sont pas puritaines. Mais il y a aujourd’hui une « tendance » puritaine. Je pense à Caroline de Haas ou encore à Clémentine Autain.

      _ Sur la conclusion : eh bien moi je l’aime bien, le poème de Vigny. Et je pense qu’interroger le rapport entre les sexes est une bonne chose. Le poème datant de la fin du XIXe siècle, la question n’est clairement pas nouvelle. Mais je maintiens qu’elle se renouvelle aujourd’hui.

      Merci en tout cas pour ce commentaire, encore une fois très intéressant !

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      1. Merci de votre réponse. Telle est en effet ma position je ne prétends pas qu’elle soit la seule défendable je pose simplement mon point de vue comme vous le faite également. Merci d’avoir pris en compte les corrections. Pour la date oui autant pour moi concernant Dumas mes excuses.
        Oui j’ai bien compris mais du coup je pense que ça gagnerait à être dit dès l’introduction que le spectre envisagé ici est le point de vue occidental et pas un autre ça évite de donner l’impression qu’on a oublié l’existence du reste du monde. Après je pinaille un peu certes mais vous me semblez soucieux du détail alors j’ai pensé que cela vous tiendrait à cœur.
        Sinon pour les vagues je vous suit en effet et je suis pas spécialement persuadée que le féminisme actuel puisse être vu comme une vague précise sans le recul de l’histoire pour le dire sur cela on semble d’accord.
        Euh bah…féminisme radical sous ses formes contemporaines me semble une bonne formule au sens où elle les décrit sans les juger et vous venez de l’employer vous même sans besoin de mes services. Je pense qu’en décrire le contenu en deux trois phrases et pas en milles pages est jouable vous me paraissez suffisamment au fait de leur contenu théorique pour y être apte.

        Dans l’Antiquité oui certes mais les lectures des mythologies antiques à la lumière de perspectives plus égalitaires ont été faite autant dans des cadres « païens » que dans des cadres monothéistes c’est ce que je souhaitais souligner. Après globalement que ces périodes n’étaient pas terribles du tout pour les femmes certes mais j’admets dans le cas qui nous intéresse ici l’histoire de France que j’ai quand même la nette impression, mais je reconnais que cela peut être débattu, que la femme Gauloise avait des libertés qu’elle n’a retrouvé que bien plus tard et que son statut a progressivement dégringolé, d’abord avec l’apport du sexisme romain en partie inspiré de celui des Grecs, puis avec la christianisation, les changements sociaux médiévaux tels que la loi salique que vous décrivez puis l’arrivée du capitalisme et que ce n’est qu’avec les luttes féministes des premières et secondes vagues qu’elles ont pu reconquérir certaines libertés qui pour les Gauloises allaient de soi. Oui globalement que toutes ces époques étaient sexistes en moyenne je vous l’accorde c’est juste que je trouvais que ça résumait un peu l’histoire des femmes en « c’était des victimes et elles ne se sont jamais défendues jusqu’à ce que le féminisme existe » ce que je trouvais quand même réducteur.
        Pour Bourdieu c’est juste le personnage qui à fort tendance à se présenter lui même comme ayant trouvé tout ça tout seul en omettant les apports à sa pensée des femmes féministes qui l’ont précédé qui m’énerve que votre synthèse en elle même qui ne fait que refléter le discours de ce dernier.
        Pour les conflits mondiaux certes mais je pense que là aussi la situation politique avec en France un PCF et un mouvement ouvrier auxquels les femmes participent activement et dans lequel elles portent leurs luttes qui est à son pic historique et du fait d’avoir grandement participé à la Résistance est alors armé rappelons le n’y est pas pour rien dans ces avancées des droits des femmes après guerre.
        Sur le mérite je vous l’accorde c’est une question complexe et qui dépasse de loin la seule question des femmes par sa généralité. Je suis curieuse de voir votre article à ce sujet.
        Pour la tendance puritaine je vois ce que vous voulez dire c’est vrai qu’étant plutôt de l’autre version du jeune féminisme qu’on accuse plutôt du contraire j’ai plus tendance à voir les courants ou je me reconnais qualifiés de pervers que de puritains donc j’ai un peu oublié la vision d’ensemble ou en effet le puritanisme domine mais j’ai l’impression je le maintiens que ce problème est général et que le courant féministe majoritaire sur ce point ne fait que suivre le sens du vent qui va globalement vers un retour du puritanisme dans la société française. Peut être lié à un certain retour de la droite catholique sur la scène politique d’ailleurs.
        Oh je ne nie nullement les qualités esthétiques de ce poème et de cette formule qui est belle, après est t’elle vraie je ne sais je la trouve exagérée mais bon c’est sur ce point est subjectif. Interroger les rapports entre les sexes bien sur, après peut être que je sens moins le renouvellement dont vous parlez car je suis une « millennial » si on veut, née trop jeune pour constater ce changement dont vous parlez qui à peut être toujours fait un peu partie de mon présent mais en ce cas votre avis de personne qui a je le suppose puisque vous en faite le constat connu ces périodes précédentes et l’expérience pour les comparer de son point de vue propre autrement que comme moi uniquement dans les pages de livres, et surtout de sites internet, à thème historique, je trouverais assez intéressant de le connaitre de façon détaillée si cela ne vous dérange pas bien sur, la variété des opinions enrichissant toujours le débat.

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      2. On s’accordera donc sur la notion de « branches radicales du féminisme contemporain ». Pour le reste, les lecteurs pourront se référer à vos intéressants commentaires (et aux articles de votre blog) pour avoir une vision complémentaire. Le principal à mon sens, concernant les sujets les plus clivants de notre temps (dont le féminisme fait partie), est de toujours garder une certaine distance critique, de ne jamais se faire « embarquer » ni dans un sens, ni dans l’autre. Les dialogues de sourds entre « machos droitards » et « féministes gauchistes » sont à ce titre parfois assez terrifiants. Notre petite discussion montre en tout cas que ce n’est pas indépassable 🙂

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      3. Je suis d’accord sur le fait de vouloir garder une certaine distance critique pour autant j’assume complètement mon choix de prendre position de façon nette même si je comprenne que d’autres ne s’y retrouvant pas ne fasse naturellement pas de même. Et effectivement je vous rejoins sur le fait qu’on assiste à une polarisation des débats extrêmement caricaturale sur ces questions bien trop souvent mais le jeu médiatique n’y ait pas pour rien hélas, c’est triste à dire mais même sur mon blog je le constate plus un article est dans le coup de gueule, moins il est dans la réflexion, plus il est dans le rentre dedans et moins il est dans la nuance, plus enfin il est violent et sujet à polémique et moins il est calme et posé….et plus il est à succès ce qui est bien triste donc j’essaye autant que je peux de focaliser sur le contenu et de me garder de la tentation du simplisme et du clash facile mais il faut bien admettre qu’elle est souvent grande donc je comprends que quand comme les journalistes hélas notre paye en dépend on tend à encourager les conflits entre mouvements extrêmes caricaturaux par tout les moyens quand même la simple recherche de popularité dans des cadres gratuits peut y pousser hélas. Oui j’ai fait moi même à plusieurs reprises le constat qu’en restant polis et mesurés on peut dialoguer en ayant des désaccords, parfois même bien plus grand que ceux entre nous, je vous laisse imaginez par exemple ce que cela donne quand je dois débattre avec des cathos intégristes de la question du mariage pour tous, mais en vérité dans 99% des cas ces débats de société peuvent se faire sans violence, sans montée immédiate sur leurs grands chevaux des deux camps qui s’affronte et sans simplisme excessif des débats. Tout cela est dépassable en effet. 🙂

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  2. très intéressantes analyses; on apprend plein de choses, sur un sujet qui , a priori, ne m’intéresse pas vraiment. Agréable à lire, truffé de références éclairantes ( garder VIGNY !!),
    Intellectuellement très valable, mais quand même, l’essentiel des rapports homme-femme n’est pas réductible à des relations juridiques ou à l’exercice de rapports de force.
    Le bonheur au féminin , depuis la nuit des temps et sur la surface du globe, n’existerait-il que depuis l’émergence d’un féminisme efficace?
    Concernant le statut de la femme au moyen âge, noter sa sublimation par les troubadours occitans, découvreurs et annonceurs de l’ Amour courtois. Mais parler de sentiments , est-ce recevable par des féministes ???

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  3. Bonjour Le Revolver, j’ai vu que vous aviez liké mon article sur le #MeToo et j’ai été contente de voir que vous vous intéressiez aussi à ces problématiques. Votre article est très recherché, toutefois, je suis plutôt déçue par la manière dont vous avez abordé le féminisme contemporain. Comme vous le dites plus haut dans un commentaire, j’ai un peu l’impression d’être confrontée à une version « Causeur » bien à droite de ce qu’est le féminisme.

    1 . Vous prenez pour argent comptant les critiques adressées au féminisme contemporain par la Tribune sur la liberté d’importuner. C’est le féminisme de cette Tribune qui serait à interroger, elle a notamment été rédigée par Peggy Sastre qui est une figure très controversée du féminisme.

    2 . « Extraordinaire complexité doctrinale » ? Vous pouvez traduire « intersectionnalité » par « convergence des luttes » si vous voulez. Il s’agit juste de dire que les inégalités se recoupent entre elles. Par exemple, la prostitution : on constate que selon les statistiques les minorités ethniques et sexuelles sont plus touchées que le reste de la population, ainsi que les plus précaires et les personnes ayant déjà subi.e.s des violences sexuelles. On peut donc en conclure que c’est une domination à la fois sexuelle, raciste, sexiste, homophobe et économique. Ces différentes inégalités se sous-tendent entre elles.

    3 . « Communautariste » fait partie du jargon de droite : la « non-mixité » est effectivement nécessaire dans certains cas. Car il est plus facile notamment de parler des violences subies entre femmes. D’autre part, il faut bien avoir à l’esprit que ce sont des groupes discriminés qui utilisent la non-mixité, justement dans une démarche d’empowerment. Cela dit, cette non-mixité existe déjà de fait : certains comités d’entreprise ou sphères politiques (je pense très fort à la photo de Trump, entouré d’hommes politiques, en train de signer une loi supprimant les aides aux organismes pratiquants les avortements) sont parfois exclusivement masculines, ou intégralement blanches. Et pourtant, on ne les taxe pas de « communautarisme », parce que dans notre société, ces rassemblements sont vus comme « normaux », quand bien même ils ne comportent aucune mixité.

    4 . Les féministes luttent effectivement pour atteindre l’égalité femmes / hommes. Ce qui implique que nous ne sommes pas, de base, dans une situation d’égalité : les hommes ont plus de pouvoir que les femmes. le féminisme est une lutte pour un meilleur statut des femmes, tout simplement. Donc nous essayons de mettre les femmes en avant, ce qui est logique puisque ce n’est pas du tout le cas dans le reste de la société (représentativité dans les médias, la politique, les postes à responsabilité). Le féminisme nous fourni un espace où nous pouvons mettre les femmes en avant : pourquoi s’en priver quand elles sont si peu visibles dans la société de tous les jours.

    5 . Je ne pense pas du tout que le différentialisme soit prédominant dans le féminisme actuel, je crois que ce serait plutôt une approche de Peggy Sastre. La plupart des féministes actuelles sont inspirées des études de Judith Butler. La notion de genre est primordial dans leurs discours.

    6 . « Victimaire », même reproche que « communautarisme » : c’est un discours à la mode. Mona Chollet en avait fait un superbe article (« Arrière-pensées des discours sur la victimisation » https://www.monde-diplomatique.fr/2007/09/CHOLLET/15078). Le manspreading et le mansplaining peuvent sembler ridicules, mais les deux phénomènes sont pourtant réels, courants, et très fatigants à supporter au quotidien, même si, je l’accorde volontiers, ils sont loin d’être des préoccupations primordiales, ce sont plutôt des exemples pratiques de problèmes plus importants et profonds, par exemple l’invisibilisation des femmes dans les lieux publiques, le peu de place qui leur est accordé, ou le fait qu’un expert est forcément masculin.

    7 . L’écriture inclusive est par contre un combat important : la parole et la pensée s’alimentent entre elles, elles sont interdépendantes, si vous éludez toute une partie de la population chaque fois que vous parlez, vous en viendrez à faire de même inconsciemment quand vous pensez la société. De plus, historiquement, certaines règles grammaticales ont été changées pour des raisons sexistes, alors, pourquoi ne pas les changer pour des raisons féministes ?

    8 . Les accusations de puritanisme : du flan. Les féministes sont censurées sur YouTube quand elles parlent de leur corps ou de leur sexualité (voir le #MonCorpsSurYoutube, certaines vidéos ont été démonétisées ou soumises à une limite d’âge, notamment des vidéos sur les menstruations, l’endométriose ou la culture du viol … c’est honteux). Ça c’est du puritanisme. Là encore ce n’est pas parce que Sastre et consœurs le disent que c’est une vérité.

    9 . « Féminisme justicier et punitif » : argh … Vous vous êtes très bien documenté pour votre article donc j’imagine que les statistiques sur la justice et le viol ne vous sont pas inconnues. Il est quasiment impossible, à l’heure actuelle, pour une femme violée d’obtenir justice. Voilà pourquoi toutes ces accusations ont explosées sur les réseaux sociaux (mais vous avez lu mon article sur le #MeToo et la délation). C’est la justice qui permet de ne pas céder à la loi du Talion, et si elle est incompétente sur ces question, alors, pas de paix ni de contrat social.

    10 . « Guerre des sexes », « haine des hommes », « misandrie » … J’ai plus la force, ce sont des arguments éculés, ils sont aussi vieux que le féminisme lui-même et on taxait déjà les suffragettes de misandres, alors que maintenant on avoue volontiers que leur combat était légitime. Quant à cette histoire avec Caroline De Haas, ça a été monté en neige. Il s’agit de malhonnêteté journalistique : on a utilisé sciemment cette formulation (qui ne correspond pas tout à fait à ce qu’elle a dit) comme titre afin d’avoir un contenu putaclic. En tapant « Caroline De Haas violeur » sur Lilo on tombe direct sur « Riposte laïque » … C’est dire le sérieux des arguments.

    Un très bon documentaire sur le viol a été diffusé il y a à peu près un an par la RTBF en Belgique, il était composé de témoignage de victimes, et dans la majorité des cas, leurs agresseurs n’avaient pas eu conscience qu’ils commettaient un viol. Tout simplement. Alors oui, « un homme sur deux ou trois est un agresseur » c’est un gros. Mais il faut aussi bien se rendre compte de la fréquence des agressions en question (la phrase exacte de De Haas : « Aujourd’hui, il est admis qu’une femme sur deux a été victime de viol, d’agression ou de harcèlement. En revanche, ce qui n’imprime pas, c’est la conclusion qu’il faut en tirer. À savoir qu’un homme sur deux ou sur trois est un agresseur »). Elle parlait de la proportion de victimes, et ça c’est passé complètement à la trappe. Mon compagnon lui-même avoue pourtant que depuis qu’il est avec moi il est atterré par la fréquence de ces comportements (je lui en parle en rentrant quand ça m’arrive en ville) et a priori il n’est pas un « misandre » pour autant. D’ailleurs, si cette remarque malheureuse de De Haas est de la misandrie, que dire de la shitstorm qui l’a contrainte à quitter les réseaux sociaux après toute cette histoire. Menaces de viol, de mort … Y a pas à dire, vous savez que vous êtes une féministe reconnue quand vous vous prenez ce genre de tempête misogyne sur le coin de la gueule.

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    1. Oh, et une dernière chose, j’en ai ras-le-bol d’entendre parler de « féministes extrémistes ». Je suis féministe, j’en ai jamais vu, mais tout le monde m’en parle dès que je dis que je suis féministe. A croire que 99% des féministes sont extrémistes… C’est décourageant d’être assimilé à ça quand on essaye de faire quelque chose de constructif.

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      1. J’ai trouvé votre article intéressant effectivement parce qu’il défend avec passion une position, même si dans mes articles j’essaie au contraire de dépassionner les choses et de mettre à chaque fois face-à-face les arguments « pour » et les arguments « contre ». Je laisse aux personnes qui verront mon article et votre commentaire le soin de se faire une idée plus précise encore à partir de tous ça. Et je ne veux pas rentrer dans un débat qui me pousserait à adopter une posture antiféministe pour vous donner contradiction.

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  4. Être neutre émotionnellement sur le sujet est un luxe : quand on est directement victime des inégalités citées, on a par essence du mal à ne pas être passionné.e ou en colère. Je suis contente si ça ne vous a pas empêché de lire mon article, mais ce point de vue « passionné » est aussi très souvent utilisé contre les propos féministes (car « elles sont hystériques », « elles ne savent pas gérer leurs émotions ». Si quelqu’un vous coupe une main, comme ça pour rien, et que vous devez effectuer un plaidoyer pour dire que c’était une situation injuste (et considérant que le public ne considérera pas ça comme forcément injuste, certain.e.s disant même que « Vous l’aviez un peu cherché »), il se peut que vous soyez un peu « émotionnel », « en colère » quoi.

    A vrai dire, à la façon dont vous parliez du féminisme, j’ai cru que vous étiez un homme de 60 ans, ça correspondait assez à votre vision. On sent dans l’article de bonnes connaissances en matière de recherche d’informations, de méthodologie, de grammaire, vocabulaire et orthographe évidemment, mais aussi le fait que c’est un point de vue « extérieur » et peu investi. Ça aurait tout à fait pu coller à un soixantenaire. Et puis je suis allée voir le « A propos » et j’ai lu « jeune diplômé de Sciences Po Paris » … Oups. Au demeurant, ce n’est pas très étonnant : les études forment et conforment. Et plus l’établissement est côté, plus la marge de manœuvre de réflexion libre est faible. Votre vision du féminisme n’est pas étonnante considérant votre contexte socio-culturel.

    C’est un peu facile de parler de « face-à-face [des] arguments « pour » et [des] arguments « contre » : j’ai vu surtout des arguments contre le féminisme contemporain, et considérant que c’était le féminisme traditionnel qui était le bon. Donc où sont les arguments pour ?

    « Je laisse aux personnes qui verront mon article et votre commentaire le soin de se faire une idée plus précise encore à partir de tous ça. » C’est partir du principe que votre article et mes commentaires sont égaux, hors ils ne le sont pas : un lecteur ou une lectrice ne lira pas forcément l’article puis les commentaires, et l’inverse est encore moins probable, personne ne lit que les commentaires, sans lire l’article. Ça ne fonctionne pas comme ça et ça vous dédouane du point de vue que vous adoptez dans l’article.

    « Et je ne veux pas rentrer dans un débat qui me pousserait à adopter une posture antiféministe pour vous donner contradiction. » Vous vous retrouveriez dans une posture antiféministe ? Vraiment ? 🙂 Dommage ne de pas vouloir débattre, c’est la seule manière de faire évoluer des convictions. D’autre part, c’est là encore un peu facile : certaines choses énoncées dans votre articles sont fausses, ni plus ni moins. Et mon commentaire ne vous incite pas à vous questionner ? Que vous vouliez donner votre avis sur le féminisme, soit, pourquoi pas. Mais si c’est pour dire des choses erronées (et là encore, votre historique était plutôt juste, ma critique concerne seulement le féminisme contemporain) et refuser l’avis des féministes, militant.e.s, femmes actives sur le terrain … Ben c’est moyen. Vous ne vous permettriez pas de donner un avis erroné sur la médecine non ? Sans être un professionnel, alors pourquoi le faire sans remords sur le féminisme ?

    Avoir l’avis d’un homme est intéressant, je ne compte pas disqualifier vos propos pour autant, par contre, il est de votre devoir d’observer les critiques et de d’actualiser vos connaissances sur le sujet quand vous en avez la possibilité. Et de prendre en compte que si vous pouvez vous offrir un point de vue « dépassionné » c’est peut-être tout simplement parce que vous n’avez pas à subir ces inégalités. Ça vous fatigue de devoir débattre contre moi ? Imaginez bien que c’est ça être féministe : devoir défendre tout le temps son point de vue, parfois même sur des choses absurdes, contre des gens qui ne veulent pas forcément entendre ce que vous avez à dire.

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    1. Être « dépassionné » est aussi parfois un effort nécessaire aujourd’hui. Je vous donne deux exemples :

      Vous notez que tout propos féministe est discrédité d’avance par une avalanche d’arguments ad hominem qui vous qualifieront d’hystérique etc.
      En revanche, en vous lisant, je découvre les arguments que j’avance s’expliquent parce que j’ai un âge mental de 60 ans, que je suis de droite, que j’ai été formaté par mes études et par mon contexte socio-culturel. Qu’en somme, ma « marge de manœuvre de réflexion libre est faible ». (Heureusement, je découvre un peu plus loin que vous ne voulez « pas disqualifier mes propos pour autant ». Je suis rassuré je vous l’avoue parce que pendant un instant j’ai failli croire le contraire).
      Alors puis-je retirer mon dentier pour vous demander une ultime faveur : si vous disposez d’autres informations sur moi, je vous en prie faites-en moi part avant que l’âge ne m’emporte !

      Vous arguer que la condescendance des hommes vis-à-vis du discours des femmes (autrement appelé mansplaining) est « loin d’être un détail » :
      o Mais j’apprends (encore une fois) en vous lisant :
      • Que j’ai trop tendance à prendre « pour argent comptant » les critiques du féminisme contemporain (ceci dit ma « marge de réflexion » étant « faible », il ne faut pas m’en vouloir) ;
      • Que j’utilise un « jargon de droite » (logique vu que vous venez de m’apprendre que je pense à droite) ;
      • Que je tiens « un discours à la mode »
      o Quelques sanglots me viennent, même, lorsque je réalise grâce à vous :
      • Que mon argument sur le risque puritanisme est « du flan » ;
      • Que mon discours vous inspire des « argh » ;
      • Que vous « n’avez plus la force » de lire mes « arguments «éculés » et « trop faciles »;
      o Je prends bonne note malgré tout :
      • Que vous me permettez – « si je veux » – de traduire « intersectionnalité » par « convergence des luttes ». Je vous en remercie.
      • Qu’il est cependant « de mon devoir » d’actualiser mes connaissances sur le sujet (« quand j’en aurais la possibilité », m’accordez-vous ici).

      Dites Lilith, ne seriez-vous pas en train d’illustrer parfaitement mon propos sur la radicalité de certains courants féministes contemporains, qui agissent exactement de la façon dont ils se plaignent d’être traités ? Si vous souhaitiez être citée comme référence pour illustrer mon article, il suffisait de me le demander directement, je me serais immédiatement plié à votre volonté.

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  5. Je reconnais que je peux être désagréable et condescendante, vous avez le droit de le dire, cela dit, ne dite pas que c’est parce que je suis féministe, ou une représentante du féminisme contemporain : c’est une affaire de personnalité. Je ne sais pas cacher ce que je pense, et ça se voit quand je suis agacée. Je suis bien consciente que ça n’aide pas le débat et je suis désolée sur ce point. C’est pour cela que j’ai essayé de tempérer en parlant de votre bon historique du féminisme (ce que je pense vraiment).

    Cela dit ces tirades n’ont pas apporté de réponses pour autant. Et oui, concernant le féminisme, je vous trouve vieux jeu, ce qui n’est pas forcément une tendance de droite, c’est une tendance fréquente chez les hommes qui parlent de féminisme sans fréquenter les associations ou les féministes. Le vocabulaire que vous employez est de droite, mais c’est le vocabulaire utilisé dans le champ médiatique, la sphère publique (qui je pense l’emprunte à la droite). C’est ce qui me met en colère dans votre article : vous présentez une vision pleine de stéréotypes du féminisme contemporain. Je n’ai pas envie de lire un billet de blog si c’est pour retrouver exactement les lieux communs énoncés par la sphère médiatique (qui parle aussi mal de sciences ou d’astronomie si vous voulez, ce n’est pas propre au féminisme, ce qui est propre au féminisme, c’est que c’est un sujet polémique, ce qui n’aide pas au dialogue).

    Ne pas être d’accord avec vous ne fait pas de moi une extrémiste. Je voulais des arguments, et vous ne m’en avez pas vraiment fourni. Je suis désolée que cette discussion ait prise une mauvaise tournure.

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    1. Le problème de votre positionnement est que vous ne tentez pas de comprendre le vrai du faux, mais d’encercler les propos de votre interlocuteur dans des formules toutes faites. Qu’est-ce que cela veut dire vieux jeu ? Comme si l’on devait être d’un nouveau jeu qui aurait forcément raison par avance. Et comme si l’on devait fréquenter les associations féministes pour se rendre compte qu’elles avaient tout bon simplement en enquêtant sur le terrain et non en reprenant les présupposés de départ. Et en plus, cela supposerait être de droite ou emprunté à la droite. Cela veut dire que qu’on dise, cela reviendra à devoir admettre par avance que l’on ne peut pas sortir du cercle que vous avez défini par acceptable. Ce n’est pas cela l’altérité.

      Comme en psychanalyse ou quoi que vous disiez, l’inconscient parle en faveur de l’interprétant dans un sens ou dans l’autre sans qu’on puisse traduire ce que dit l’inconscient puisqu’il est inconscient.

      Et d’ailleurs, vous employez le jargon classique des stéréotypes et des lieux communs et vous le dites : « Je n’ai pas envie de lire un billet de blog si c’est pour retrouver exactement les lieux communs énoncés par la sphère médiatique… » Voilà. Je pourrais vous retourner la même rhétorique concernant la domination masculine, le patriarcat etc. Vous avez défini vous-même les stéréotypes et les lieux communs d’un côté, sans examiner les vôtres de l’autre, et ce sans parler une seule seconde de l’être concret et physique notamment biologique et en établissant tout sous l’angle des sciences sociales (le socialement construit), comme si d’ailleurs biologie et culturel étaient nettement séparés chez l’être humain. C’est là d’ailleurs où De Beauvoir commet une contradiction majeure en reconnaissant d’abord que la femme a l’enfantement (« Elle subit passivement son destin biologique.  » et elle ajoute : « Ainsi le triomphe du patriarcat ne fut ni un hasard ni le résultat d’une révolution violente. « ) et que l’homme est plus fort physiquement, puis dans le second tome que tout cela ne compte pas (« Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine. »).

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    2. Je ne crois pas que le fond ait besoin d’être défendu plus que ça. Vous pouvez continuer à le critiquer si vous voulez, je ne censure pas les commentaires.

      Mais l’article quant à lui il se défend très bien tout seul. Les lecteurs sont des grandes personnes qui pourront se faire un avis et ressentir, au fond d’eux, si mon argumentaire contient (ou non) une part de vérité.

      Du reste, en qualité de grande fan de ce blog – et puisque mon aspect supposément vieux-jeu vous fascine tant – je vous informe en avant première que je publierai ici même, dans deux semaines, un article sur les notions de générations, de jeunesse et de vieillesse. Dans cet article je montrerai, en autres, que le culte du jeunisme (par des arguments disqualifiant du type « vous êtes vieux-jeu ») est toujours le signe d’une société sénile.

      Petit teaser : Gabriel Matzneff, Le Taureau de Phalaris, 1994 : « Ce ne sont pas les générations qui sont différentes, ce sont les individus. Dans une génération, il y a quelques rares originaux et une immense masse conforme. Une génération rebelle, ça n’existe pas, et je dirai de la singularité ce que Nietzsche dit de la beauté : qu’elle est le privilège de quelques-uns ». Cela est d’autant plus vrai que les modes de la jeunesse ne sont pour l’ordinaire que les inventions du mercantilisme adulte. Combien sont tentés de se conformer à l’image prêt-à-porter que leur offrent les marchands du Temple ? Ici, le troupeau qui rassure et tient chaud – là, les adolescents singuliers. »

      A bientôt ☺

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  6. Bonjour,
    Je suis venu sur votre blog étant donné que vous avez apprécié plusieurs articles concernant Michéa.
    Et je suis tombé ensuite sur votre article sur le féminisme et à son titre, je réponds non. Ce qui n’implique pas de se dire masculiniste. Tout ça ne veut rien dire au fond.
    J’ai lu d’ailleurs les longs commentaires et le problème est qu’on y répond que par l’argument égalitariste et social sans prendre aucunement en compte le côté biologique sous peine de voir le mot essentialisation surgir comme un diable hors de sa boîte. Ou de jouer sans arrêt du moralisme.
    Ce qui pose un problème même sur le thème égalité. Car égalité de quoi ?
    Car à lire les commentaires, on ne pourra pas se passer de la question de la biologie et de l’interaction avec le social. C’est-à-dire de se baser sur le concret.
    A lire de long en large, personne n’évoque réellement ce qu’on appelle la part d’ombre des femmes (et là il ne manque pas d’études que je suis prêt à sortir). On y parle de domination masculine, mais comment s’est-elle installée si elle existe ? Et de Beauvoir dans un long article que j’ai écrit dit un peu prêt n’importe quoi dans son Deuxième sexe et se contredit, car en plus, elle ne parle pas d’hommes et de femmes concrètes ou de classes différentes.
    Alors il faut quand même rappeler que dans le monde les violences faites aux femmes par des hommes sont bien peu en rapport de la violence des hommes faite sur des hommes. 79% des crimes dans le monde concernent les hommes par d’autres hommes.
    https://www.unodc.org/documents/gsh/pdfs/2014_GLOBAL_HOMICIDE_BOOK_web.pdf page 13
    Et on pourrait embrayer sur d’autres domaines comme les accidents mortels au travail etc.
    D’autre part, d’autres femmes comme la marxiste Rosa Luxemburg ou l’anarchiste russe Emma Goldman étaient bien plus sceptiques sur cette égalité et ce mouvement féministe si celui-ci ne servait qu’une classe sociale bourgeoise et non les femmes de peu, c’est-à-dire comme moteur de la consommation. Et d’ailleurs, je rejoins ce qu’en dit le cinéaste Pasolini dans ses Ecrits corsaires et le philosophe Jean Baudrillard dans De la séduction. Et ce serait très long à résumer maintenant sauf si un débat réel s’engage.
    Vous trouverez d’autres articles sur le sujet et notamment sur la vague Me too ou Balance ton porc (si ça déjà n’est pas essentialiser les hommes).
    https://articlesyr.wordpress.com/2018/11/26/double-jeu-et-jeu-double-hommes-et-femmes/
    https://articlesyr.wordpress.com/2017/03/28/le-feminisme-a-tete-de-veau/
    https://articlesyr.wordpress.com/2018/02/24/les-hommes-et-les-femmes-et-levolution/
    https://articlesyr.wordpress.com/2017/12/13/le-deuxieme-sexe-de-simone-de-beauvoir/
    Sur ce
    Bonne soirée
    Yan

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